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J’engloutis mon petit déj’ à base de beignet et de thé au lait en regardant une grosse femme sans doute célèbre (j’ai cru capter qu’elle s’appelle « Mwaipopo » ?) chanter des chansons populaires à la télé dans des décors tous plus rocambolesques les uns que les autres (un fauteuil, un escalier, un fond de jardin, un bord de piscine). Et puis au moment de passer devant le post-frontière pour la Tanzanie, je me dis que ce serait trop bête de quitter Tavéta sans avoir d’abord vu l’école de Richard au grand jour. Je retraverse le village, je passe la grande route, le terrain de volley et le coin des artisans pour atteindre l’école maternelle en répétant « Salama » à tout le monde comme l’avait fait Richard, ce qui semble être une sorte de « Jambo » local. Richard est là et je justifie mon retour par le besoin de prendre des photos, au cas où l’on me demanderait, lors de mes démarches futures pour réclamer un bus auprès d’une ONG, de produire du visuel. Ravi, il réunit les élèves pour une photo de classe improvisée. Puis je le suis vers l’école primaire dont j’ai goûté l’obscurité la veille (Muses ! Ne me laisserez-vous jamais en paix ?!). Or, à peine j’entre dans la cour d’école que j’y découvre bien deux cents élèves rassemblés qui m’applaudissent à tout rompre tandis qu’un professeur annonce à haute voix :
– Eh voici Nabolo qui va nous ramener un bus !
Gné ?!
– Il nous arrive de France : le pays d’Eric Abidal et de Patrice Evra.
Ohlalalalala, c’est quoi cette histoire ! Je me contente de sourire et de saluer de la main tandis que Richard tempère, à sa façon, les propos de son collaborateur :
– Bonjour les enfants. Voici Nabolo. Il a beaucoup voyagé, c’est un grand écrivain, et il va essayer de nous ramener du matériel pour l’école… Nabolo si tu veux dire quelque chose ?
Mais pour l’heure j’essaye surtout de ne pas rire devant le comique de la situation. Personne ne remarque rien ceci dit : tout le monde sourit, tout le monde à l’air très content.
– Salama tout le monde, dis-je, effectivement, comme l’a dit Richard je vais faire mon possible pour vous mettre en relation avec des ONG afin de déterminer si et comment elles peuvent aider l’école. Je ne suis pas magicien, mais je ferai mon possible. Dans cette perspective je vais prendre une photo de vous, alors ne bougez pas et souriez !
Flash-flash.
Quel discours ! J’ai bien fait ma star, je me suis bien flatté l’égo, j’ai pris plein de photos, j’ai mon petit souvenir… Reste plus qu’à trouver un moyen d’être utile à l’école pour pas être un connard fini.
– Mais pourquoi t’as commencé ton discours par « salama » ? me demande Richard,
– Ben… ça veut pas dire « bonjour » ?
– Non, rit-il, ça veut dire « Je vais très bien ! »
La population de Tavéta pouvait donc être rassurée quant à mon état de santé : j’avais passé la mâtinée à annoncer que j’allais très bien à tout le monde.
Après une brève entrevue dans la salle des professeurs avec tout le staff de l’école, Richard me met à l’arrière d’une moto en recommandant au chauffeur de m’amener voir un de leurs potes, pour qu’il m’échange des shillings kenyans contre des tanzaniens « sans m’arnaquer », puis de me conduire à la frontière. Ainsi passons-nous par le poste frontière kenyan et roulons-nous jusqu’au post tanzanien, bien plus loin, au travers d’un terrain que je qualifierais de no man’s land, à tort ou on s’en fout.
J’ai eu un moment de bonheur à ce moment-là, de ces moments où l’on est là où on a envie d’être, à faire ce qu’on a envie de faire avec ceux avec qui on a envie de le faire. C’est triste mais ils sont rares : alors je collectionne.
Le douanier du poste tanzanien, nettement moins sympathique que son collègue kenyan, m’informe :
– C’est 50 dollars pour le visa d’entrée.
– C’est possible de payer en euros ?
– Oui : c’est 50 euros le visa d’entrée.
Ah ouais genre. Moi aussi je peux le faire !
– J’ai que 40 euros sur moi…
– Alors c’est pas possible.
Là je rassemble mes billets (en prenant soin de dissimuler le rab) et je mets 40 euros sur la table. Il les prend et me tamponne mon visa. Logique. Et ne croyez pas qu’il ne sache pas compter : c’est que « la vision » de l’argent et « l’idée » de l’argent n’ont absolument pas la même force persuasive dans certains pays, même si ça peut paraître étonnant.
De l’autre côté de la frontière, un matatu attend son ultime passager : ce sera moi. Je suis toujours le seul blanc. Je n’en ai pas vu d’autre, à part à Mombasa, dans un bar sur la mer où Coolette m’a emmené manger une pizza. Il y avait là pas mal de vieux moches blancs/white accompagnés de jeunes belles noires/blacks. J’allais me permettre un commentaire quand Coolette m’a dit « Au fait, je t’ai pas montré la photo de mon copain ! ». Il était plutôt pas jeune et plutôt pas bronzé (mais avec une belle gueule ceci dit). J’ai rangé mon commentaire pourri, convenu, banal et étroit d’esprit. Pourquoi j’allais faire ce commentaire à la base ? Uniquement pour parler, pour dire quelque chose que, pensais-je, elle approuverait. C’était un geste sociable ce commentaire, en fait, alors que vieux, jeunes, blancs, noirs, jaunes, verts, les animaux ou les enfants, pourvu que tous soient consentants, ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent, je m’en fous. Le matatu poursuit sa route (histoire de dire que c’est la fin du flashback) cependant que je m’interroge : à quel point suis-je vraiment un aventurier ? Quel est vraiment mon but ? J’aimerais bien trouver un trésor ou une cité enfouie… Mais si c’était les récits que je rapporte de mes voyages le véritable trésor ? (et autres trouvailles influencées par la lecture de Picsou Magazine).
Moshi (c’est le nom d’une ville) : je dois changer de transport. Je fonce vers un bus en ignorant les méchants agresseurs noirs terroristes qui m’interpellent et me courent après. Je m’installe et demande le prix à mes voisins de siège, histoire de pas me faire arnaquer lorsque le bus démarrera et puisqu’on ne paye qu’une fois la course démarrée. Le bus c’est du grand confort comparé au matatu.
A la gare routière, pas mal de gens portent des bananes, alors qu’en Europe c’est désuet depuis les années soixante…
ATTENTION : la ligne précédente est directement copiée depuis mes notes. Elle est mal amenée et n’est pas très très drôle, mais je suis fatigué et je me rends compte que c’est pas évident de copier un carnet de route écrit à dos de bus. Mais à tous ceux qui ont ri je donne un Nabolo-point : parce que vous êtes vraiment bon public et que ça, ça vaut de l’or (merci de vous manifester en bas de l’article).
A propos d’arnaque : j’en ai commis deux malgré moi. Lorsque j’ai voulu acheter une bouteille puis des biscuits aux vendeurs d’arrêt de bus qui tendent leurs bras jusqu’aux fenêtres. Comme j’étais pas à la fenêtre justement, j’ai d’abord pris bouteille ou biscuit (histoire que mon voleur potentiel ne se tire pas avec l’argent) avant de faire passer la thune à mon voisin pour qu’il la fasse passer aux vendeurs. A deux reprises le bus a démarré sans qu’on ait le temps de payer. Moralité : « Tel est le voleur qui croyait que l’autre était. »
Les chauffeurs de bus s’en foutent de ça en général, je veux dire : de ce qui se passe à l’arrière. Je ne compte pas le nombre de fois (quasi tous les trajets) où on a « oublié » quelqu’un lors d’une pause-pipi, le bus repartant avec toutes ses affaires. Pas grave : le passager manquant prend alors un autre bus/matatu qui rejoint le notre plus tard, lorsque nous sommes arrêtés pour cause d’accident par exemple. Et le passager remonte comme si de rien n’était. Hakuna matata.
Il y a du goudron sur les routes à partir de Moshi, c’est plus cool. D’habitude je suis malade en transports mais je crois que c’est surtout à cause de « l’odeur de neuf » de certains véhicules… et là pas de danger.
Mouhahaha le coup du salama x)
Salama Jérôme… ;-)
Moi j’ai ri pour les bananes désuettes depuis les années 60! J’peux avoir mon Nabolo-point, dis?!
Bel effort ! Je t’en file même deux !
…et je t’en retire un pour exposage de vie privée. Et toc. (je suis sévère mais juste)
Je crois qu’il manque un mot : saurez-vous le retrouver?