En face de la terrasse en bois, un tableau peint de gravillons, de plantes et de pierres. Les gravillons sont une mer qui coule des rochers disposés au sud-ouest. Leur flot s’échoue sur un rivage de mousse verte où poussent des arbres au feuillage rouge et bleu.
Je suis assis sur la terrasse d’un jardin zen, où j’ai totalement cédé à ces butains de muses, qui me harcèlent sans cesse alors que je fais tant d’effort pour rester hilarant.
Le coeur n’y est pas aujourd’hui. Aujourd’hui, mon coeur est au Japon. Et comme pour m’accueillir un peu mieux dans son pays, le soleil m’envoie un de ses rayons, là, en direct mesdames et messieurs.
Une très gentille dame m’a prévenu que les photos étaient interdites et m’a prêté son stylo pour que je vous écrive, pour que je vous décrive, cher lecteur, les mondes miniatures que des jardiniers de génie ont caché dans leurs paysages, artificiels, certes, mais modelés sur les originaux et motivés par le désir de conserver sa place à la nature dans la société des hommes, de ne pas couper le lien comme nous l’avons malheureusement si souvent fait ailleurs.
Je déplace mon sac et mon cahier jusqu’à la façade ouest (mes chaussettes font couiner le plancher: c’est fait exprès, pour annoncer les visiteurs).
Il y a là un chemin pavé que fissure un ruisseau qui se change en rivière. Le chemin la longe en passant sous un arbre aux feuilles bleutées. Ses voisins sont roux, rouges, parfois verts et orangés. Il y a de la mousse partout par terre pour éviter des bobos aux lutins qui chahutent avec les fées.
Au bout du chemin pavé on arrive à une maison d’homme. Elle ne se dresse pas comme une frontière à ce petit monde, mais comme sa garante. Elle est ce qu’elle devrait être.
Façade nord. Le jardin est devenu une marre où bullent de gros poissons. Des ponts les enjambent en sautant sur des îlots dont les hautes herbes bougent avec le vent.
Des gouttes d’eau fliquent et flaquent au coin de la marre avec l’approbation silencieuse d’une montagne composée, comme une musique de couleur, d’arbres et de rocs qui donnent sa poésie au jardin.
Parfois les poissons s’agitent puis s’évanouissent dans le profond de l’eau.
Je guète les mouvements du jardin comme je regarderais une pièce de théâtre ou la télévision.
Une grosse feuille morte, toute brune et crispée comme un vieillard, vient de rouler sur un îlot jusque dans la mer. Elle y flotte et s’y trouve une seconde vie: une barque pour les Ondins et autres esprits aquatiques.
Mais pourquoi nous sommes-nous coupés de la nature? Pourquoi continuons-nous de chercher le bien-être dans la vitesse et le progrès?
La télévision, les infos, la météo décident de nos vies, de si l’on doit être heureux, avoir peur, ou de comment s’habiller. Alors que le bonheur est dans le pré… Mais il faut prendre le temps de l’y voir, sans quoi ce n’est qu’une image fugitive sur la vitre d’un train que les vaches regardent en s’étonnant toujours: « Dire que ce sont ces cons-là qui vont nous manger! »
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PS: de retour à l’auberge où je retranscris ces lignes dans la salle commune, la télévision, allumée sur BBC World, annonce un reportage sur la France et ses avancées écologiques: un cheval ramasse des poubelles à Hippo Ville! Le cheval et son attelage seraient même plus économiques, à long-terme, que des camions poubelles.
La révolution est en marche!
bonjour
merci pour ce partage quel beau jardin bonne journée bisous evy
Tu sais que c’est beau ce que tu as écrit ? Merci …. jolies photos
Deep thought! Thanks for cogbtirutinn.