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Bollywood Chewing-gum | Jay WorldMan
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Le chewing-gum qui rend vos dents green and fresh!

Trois semaines déjà que je « couchsurf », comme on dit, sur le lit-canapé de mon camarade Nicolas (alias l’Aurélien de l’excellent roman à paraître : « Indiana Tom et le rapport de stage perdu »). Parfois quand je le déplie, le canapé a plutôt l’air d’un radeau que d’une planche de surf fonçant à toute allure sur les vagues de la vie… Mais ça reste du solide. « Lentement mais sûrement comme disait la tortue » au lapin. A propos de ce canapé d’ailleurs, Nicolas m’a confié hier soir que ce serait bien que je dorme ailleurs, mais ce n’était pas pour me proposer sa chambre. J’ai immédiatement pris la décision de revoir tous les passages où son personnage apparaît de façon positive dans l’excellent roman à paraître : « Indiana Tom et le rapport de stage perdu » (l’ai-je mentionné plus tôt ?) et de lancer un appel à l’hébergement sur le Nabolo-blog. Connaissant le nombre d’Indiens et d’expatriés qui liront cet article ça ne devrait pas poser de problème.

Pourquoi « Bollywood chewing-gum » en titre de l’article d’aujourd’hui ? Parce que, décidément, Bollywood me colle à la peau… Mais aussi pour le référencement, hélas : quand le titre est trop original les moteurs de recherche ne fonctionnent pas et j’aimerais dépasser la barre des -15 euros de bénéfices pour célébrer le treizième mois de ce blog, à la fin août.

Pourquoi cet article ? Mon « agent » qui est allé faire du tourisme culturel à Pattaya, Thailande, la semaine dernière, est de retour à Mumbai. Il m’a appelé hier pour me proposer un nouveau tournage en tant que figurant : rendez-vous ce matin, 8h30, à des milliards de kilomètres au nord de l’appartement qui contient le canapé que je squatte. Il était aussi probable qu’on soit à l’heure pour venir me chercher (comme il me l’avait promis) que les chances qu’on se décide enfin à considérer la construction d’une Europe politique en parallèle de l’Europe économique : pas impossible mais ça aurait demandé de gros efforts. Là où les Indiens m’ont surpris c’est qu’ils m’ont quand même appelé au moment où je partais (6h45) pour me prévenir qu’on n’aurait pas besoin de mes talents de marcheur dans le fond avant 14h. Ca fait plaisir de travailler avec des vrais pros. Donc je suis réveillé et je me fends de cet article pour vous raconter de menus histoires de ma nouvelle vie de star à Mumbai ou Bombay, comme vous voulez c’est pareil.

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Mon appareil prend des photos pourries (celles des articles précédents ont été prises avec celui des autres) mais vous pouvez normalement distinguer une chèvre dans la bouche de laquelle je n’ai pas mis les doigts. Photo prise dans une des gares du train de Bombay qui sert de transport en commun.

Je suis content de faire ce que je fais, parce que j’avais dit que je le ferais et que c’est une grande satisfaction que de tenir ses engagements vis-à-vis de soi-même. En plus j’ai l’occasion de vivre comme un pirate de l’espace (mais sur Terre) en travaillant sans visa ce qui me permet de faire l’amour aux lois contre leur gré (j’aime pas dire « violer ») et d’expérimenter le « risque » en accord avec la philosophie de l’aventure longuement explicité dans les premiers articles de ce blog, catégorie : « carnet de bord d’un penseur contempourien ». C’est un peu fatigant mais c’est aussi très palpitant. Chaque journée est entière, je n’ai pas l’impression de perdre mon temps, sauf lorsque la mousson abat ses litres d’eau dans la rue et que la vie est ralentie. S’il n’y avait pas la pluie le soleil s’en chargerait.

Hier j’ai participé à ma première audition pour un rôle à texte, un rôle principal même dans un court métrage d’une trentaine de minutes. Je devais jouer le rôle d’un banquier qui a réussi, jeune, dynamique, arrogant et discourtois. Niveau physique, avec ma tête de connard-blond j’avais toutes mes chances, peut-être encore plus aux yeux d’un Indien. J’ai donc emprunté une chemise sale et un blazer moisi (véridique : à cause de l’humidité ! J’ai du virer les champignons avec un sopalin) à cet ingrat (mais pas sans utilité) de Nicolas, et je suis monté dans un taxi, direction : faites-confiance-au-chauffeur-quelque-part-au-milieu-de-la-plus-grande-ville-du-monde.

Il y a quelques jours j’avais visionné des conseils, sur youtube (Lori, if you read this article, thx a lot, I love you !), pour me préparer à une audition filmée. Voilà ce que j’en ai retenu :
– Habillez-vous comme votre personnage, soyez crédible
– Soyez votre personnage du début à la fin, ne les laissez pas vous surprendre « en train de jouer »
– Ne sympathisez pas avec les autres candidats, concentrez-vous sur la préparation
– Lors de l’audition ne vous excusez pas si vous faites une erreur, continuez dans votre prestation

Autant dire que j’ai été arrogant et désagréable au possible du début à la fin, conformément à mon personnage : j’espère que ça va marcher. Sur youtube Lori Wyman donnait d’autres conseils utiles sur la manière de s’adresser à la caméra, au public, et les questions à poser en arrivant, comme par exemple savoir quel genre de plan ferait la caméra pour savoir si je devrais me servir des mains en parlant ou plutôt accentuer les expressions du visage en cas de plan rapproché.

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Toujours à la gare, le classique cireur de chaussure et la populace.

Les studios étaient introuvables pour un chien de piste normalement constitué. Mais en demandant à un mec, puis à un mec, puis à un autre, j’ai fini par arriver. C’est souvent comme ça que ça se passe : trouver une adresse à Bombay est une quête de voisinages.

Nous nous garons et le chauffeur de taxi me réclame ses deux cents roupies. Le compteur affiche quatre-vingt. Pour ceux qui n’auraient pas lu les articles précédents (dans la même section) je rappelle que le système de compteur des taxis & rickshaws de Bombay est bien pratique pour éviter les arnaques (la preuve ci-dessous) puisqu’il permet de calculer ingénieusement le prix d’une course à partir d’un chiffre qui apparaît sur le compteur (Krishna seul sait à quoi il correspond) et qui sera ensuite comparé à un autre chiffre imprimé sur une feuille de papier quelconque. Dans le cas présent le compteur affichait 80, le papier affichait 142 et le chauffeur réclamait 200. Faites le calcul ! Quand je lui ai fait remarqué cette incohérence il m’a sourit de ce qui lui restait de dents en me regardant avec ses grands yeux d’enfants, ce qui, dans le langage des chauffeurs Indiens signifie : « oui, c’est vrai, j’ai essayé de t’entuber… Mais tu m’en veux pas dit ? ». Pour faire bonne mesure j’ai fini par le payer 150, ce qui est mal, car même si 8 roupies ne valent que 0 euros, j’aurais du mégoter pour lui faire comprendre que son attitude n’était pas schtroumpf. Peu importe, on s’en fout et ce n’est pas l’intérêt de mon article.

Les studios, étroits et bas de plafond, décorés en bois, comportaient une série de portes vitrées et insonorisées. Quelques candidats attendaient sur des chaises devant la petite salle où une demi-douzaine de personnes, derrière une table, des projecteurs et une mini-caméra, auditionnaient une jeune fille, quasiment au corps-à-corps compte tenu de l’étroitesse de la salle. J’ai donné mon nom et on m’a remis une feuille imprimée avec le descriptif de deux scènes différentes, inclus deux répliques de mon personnage qui était chaque fois décrit comme arrogant, méprisant, antipathique, etc. Une partie de plaisir. J’ai commencé par m’asseoir pour lire le texte en silence, comme les autres. Et puis je me suis dit que ce serait bien si je pouvais le répéter dans le couloir… mais j’avais honte à cette idée. Et puis je me suis encore dit que si j’avais honte à cette idée c’était complètement débile de s’être tapé une heure et demi de taxi pour rien. Alors je me suis installé dans le sas d’entrée insonorisé et j’ai commencé à répéter.

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Cliquez pour agrandir la photo et vous distinguerez peut-être des familles et des dizaines d’enfants qui jouent aux raquettes sur les rails entourés d’ordures. Sale, dangereux, mais tellement bon!

Dans la première scène où mon personnage devait s’adresser de manière méprisante à son secrétaire, ma réplique était :
« Tommy boy, what took you so long to haul your ass here ? »

Ce qu’on pourrait traduire par:
« Petit, tu peux me dire ce qui t’a pris si longtemps pour ramener ton cul ? »

…ou approchant. Je me suis attaché à définir une gestuelle et aussi, surtout, conformément aux conseils pêchés sur youtube, un ton pour ma voix, qui devait guider le reste. Par exemple pour dire « Tommy boy » j’ai trouvé que monter la voix permettait de transcrire une certaine surprise de voir arriver mon secrétaire, doublé d’un certain enthousiasme qui allait bien en contradiction avec l’agressivité que je mettrais dans la seconde partie de la phrase. Par ailleurs je me suis résolu à remplacer « haul » par « get » parce que je ne savais pas ce que voulait dire « haul » ni comment le prononcer. Quant à la gestuelle je me décidais à remonter un bras sur la hanche et à écarter le deuxième du corps en milieu de réplique, au même moment que je jaugeais mon interlocuteur de pied en cap puis le quittait des yeux pour lui faire ressentir mon mépris : lui parler sans le regarder.

Il n’y avait pas de miroir, rien que le reflet sur la vitre insonorisée à travers laquelle j’ai surpris certaines personnes en train de me regarder en riant… Je me suis automatiquement forcé à croire que c’est parce que je les impressionnais : ce n’était pas le moment de douter ! En plus j’étais un jeune président de banque arrogant qui a réussi alors fallait pas me faire chier.

Ma deuxième réplique devait illustrer la réaction de mon personnage, confronté à la police venue le chercher jusque dans son bureau pour le punir à coups de fouet (le thème du film : comment l’avidité personnelle peut conduire au malheur de tous, sur la crise des subprimes… Je sens que je vais me faire aimer si je suis pris) :
« You… you… you can’t do that. Im the chairman of the bank. You can’t just pop into my office, on the thirteen floor and tell me you’re gonna give me 500 lashes with some goddam whip. My position and my achievement warrant me some respect!

Ce qu’on pourrait traduire par:
« Vous… vous… vous ne pouvez pas faire ça. Je suis le président de cette banque. Vous ne pouvez pas débarquer comme ça, dans mon bureau, au treizième étage, et dire que vous allez me filer 500 coups avec votre putain de fouet. Ma position, ce que j’ai accompli, tout ça me garantit le respect ! »

…ou approchant.

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Au premier plan: les rails et les ordures; au second plan les enfants et les vaches; au troisième plan la bidonville… J’ai à peu près tout là. Il ne me manque qu’un bon appareil photo. :(

La grosse difficulté avec ce texte était bien sûr (enfin perso j’ai trouvé) les 3x you du début. Comment les prononcer ? Trouver la réponse à cette question m’a permis de poser tout le reste, et les 3x you se sont en fin de compte révélés très utiles. Dans un premier temps j’ai pensé à faire le mec qui bégaye, genre : « you… you… you… » puis comme c’était un peu basique j’ai essayé de pousser plus loin pour voir s’il n’y avait pas mieux. Finalement je suis tombé d’accord avec Moi-même (on s’entend bien tous les deux) pour dire le premier « you » en pointant le doigt en avant, de façon mi-énervée, puis laisser retomber ma main et la remonter à nouveau pour dire le deuxième « you » quasiment en riant façon « ce qui arrive en ce moment est ridicule je n’y crois pas » puis répéter l’opération une troisième fois, mais de manière plus résolue, pour affirmer, enfin, que « you can’t do that » puis commencer mes explications. Entre chaque « you » je prenais bien mon temps, autre conseil « youtubesque » (Ah Lori Wyman ! Kiss & love) : ne pas se presser.

Au bout d’un quart d’heure j’avais toute une chorégraphie de prête pour ma deuxième réplique. Les 3xyou du début ; la main sur la poitrine pour « je suis le président » ; un claquement de doigt pour le « you can’t just pop up » juste au moment de dire « pop up » ; lever la main en parlant du treizième étage (comme si je décrivais un immeuble) etc.

Une petite heure de traduction (j’ai confondu « lash » et « lakh » ; « coup de fouet » et une unité de compte équivalente à 10.000 pour parler des roupies) a fait que je mimais des petites coupures avec la main en parlant de fouet, ce qui donnait une touche très personnelle à cette chorégraphie qui se finissait par un index pointé vers mon interlocuteur et ma grande spécialité : le regard qui tue (je le travaille depuis que j’ai quatre ans, y a pas de souci, je gère).

Je connaissais mon texte par cœur, la chorégraphie aussi, et je suis retourné dans la salle d’attente pour protester contre le fait qu’on me pique ma place sans arrêt. Une fille passait l’audition en ce moment, elle avait l’air de beaucoup rire et discuter avec les auditeurs.

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Adil, le jeune acteur dont je vous parlais dans mon article sur le portfolio. A quatorze ans il porte déjà la moustache! Il n’y a pas encore de mode universelle, ouf!

Ca a été mon tour. J’avais le cœur qui battait en entrant… Ah ! L’adrénaline ! N’es-ce pas ce que je recherchais de toute façon ? Dans le sport, l’aventure ou Dofus-Arena ? Pas de quoi paniquer donc, juste en profiter. J’ai serré la main à tout le monde, le boss s’est présenté (j’ai aussitôt oublié son nom et même son visage). J’étais tendu et concentré, me répétant sans cesse que j’étais un président de banque, pas de la merde quoi, alors que ces gens là n’étaient que de petits intermittents même pas foutu de faire un long métrage. Le mec de l’accueil m’a bien aidé sur ce coup là, en m’apportant le verre d’eau que je lui avais réclamé plus tôt juste au moment où j’aurais du être prêt. J’ai bu tranquillement mon verre d’eau devant les 14 pupilles qui me regardaient. C’est même moi qui ai dit « Bien, je suis prêt. Nous pouvons commencer maintenant. » Très président de banque arrogant, non ?

Ils m’ont demandé de me présenter à la caméra tout d’abord et de parler un peu de mon background. J’ai essayé de faire court non sans omettre de dire que j’étais là parce que j’adorais l’Inde, ce qui ne manque jamais de dessiner des sourires de satisfaction sur les visages Indiens (comme ce serait le cas chez des Français).

Ensuite j’ai demandé quel genre de plan ferait la caméra (ce qui n’a pas manqué de me donner un air pro) et j’ai attendu qu’on me donne le signal pour lancer mon « Tommy boy ».

Pas satisfaisant, m’ont-ils dit. Je devais parler à Tommy comme si c’était la dernière des merdes. Ce qui m’embêtait c’est que comme Tommy n’était représenté que par une lentille de trois centimètres de diamètre, j’avais du mal à me contraindre à regarder ailleurs pour lui montrer à quel point je le méprisais. Du coup j’ai juste fait le mec un peu plus énervé. Pas terrible mais ils ont eu l’air satisfaits de voir que je savais me donner l’air méchant. Peut-être que j’étais suffisamment méprisant au naturel finalement ? Apparemment j’ai une tête qui donne cette idée-là… Je croyais que c’était lié à une ressemblance de coupe de cheveux avec Jean Sarkozy mais je doute que les Indiens s’intéressent aux hautes sphères de la politique française dans lesquelles gravite le jeune dauphin, il doit y avoir autre chose malheureusement.

Mon triple « you » a été mieux reçu ! J’ai bégayé une ou deux fois et demandé qu’on la refasse, mais je crois que mon regard qui tue de la fin les a beaucoup impressionnés : il y en a même un qui a reculé de peur que je le frappe (il faut dire que je le montrais du doigt à bout portant). Le chef a demandé aux autres si je devais la refaire sur un ton plus enervé mais tout le monde a trouvé que c’était très bien comme ça. « Perfect » qu’ils ont dit. Alors on n’a pas discuté plus longtemps, on s’est serré les mains et ils m’ont félicité pour ma « very nice » prestation. J’espère qu’ils ne m’ont pas dit ça juste parce que je les ai fait flipper sur la fin. En tous cas j’attends de leurs nouvelles.

Je n’ai passé qu’une grosse demi-heure dans ces studios mais cette aventure m’a le-ssi-vé. J’ai viré le blazer et je me suis allongé dans le taxi qui peinait à trouver son chemin au cœur de la surpopulation mondiale, klaxonnant autant que faire se peut pour s’ouvrir un canal dans le flux des chalands (la voiture que nous doublons compte douze personnes à son bord: le conducteur, la mère et trois enfants devant, trois adultes et  quatre enfants derrière; il y a quatre personnes par moto). De la banquette arrière, j’observais les chauves-souris géantes qui volaient dans le ciel… C’est ce qui m’a mis le plus de bonne humeur : la veille, Nicolas et moi étions à une soirée d’expats organisée chez un membre du consulat d’Allemagne. Du superbe balcon de sa superbe demeure je lui avais juré avoir aperçu une mouette avec des ailes en parapluie. Il ne m’avait pas cru et je ne m’étais plus cru non plus ensuite. Ca paraissait trop beau, trop extraordinaire. Pourquoi pas une soucoupe volante et des martiens ? Pourquoi pas Zeus et les dieux de l’Olympe ? Pourquoi pas Ganesh, Shiva, Krishna et compagnie ? Pourquoi pas tant qu’on y est, se rappeler que le rêve vient souvent du vrai que la modernité dénie et copie à la fois. C’était bien des putains de chauve-souris géantes dans le ciel ! De la même envergure qu’un goéland, le corps couvert de poils roux sous leurs larges ailes noires… tintintintintintintin !*

*difficile de le rendre par écrit mais il s’agit là d’une référence au générique du début de batman, série TV des années 80… Bon, je vais mettre la vidéo, ce sera plus clair.

[youtube]oDc-1zfffMw[/youtube]