Alors voilà, tout se complique : je suis arrivé en Inde hier et en une journée seulement j’ai plus à raconter qu’en sept n’importe où ailleurs… Je doute de pouvoir tenir la distance ! Heureusement pour nous (vous et moi) je vais me limiter dans le récit de toutes les petites différences que je traite bien suffisamment dans mon roman à paraître (« Indiana Tom et le rapport de stage perdu ») pour vous parler de ce que j’ai trouvé de nouveau…
La dernière fois, il y a quatre ans, j’avais quitté l’Inde pour l’Asie du sud-est qui m’avait alors paru bien insipide. Cette fois j’ai fait le chemin inverse et le premier truc qui m’a choqué (bien que je sois déjà au courant mais j’ai été choqué d’y être confronté de nouveau) c’est le (disons) « détachement » des Indiens. On pourrait dire mollesse, ou apathie, ce petit quelque chose dans leur regard qui vous dit qu’ils n’en ont rien à foutre… De quoi ? Je dirais du temps, principalement : du temps qui passe.
A peine arrivé à l’aéroport, je déambule dans les couloirs dépassant une salle d’attente où des types en toges blanches, pieds nus, dorment par terre, jusqu’à parvenir au service de douane. Je tends ma fiche d’entrée partiellement remplie au douanier… une minute après il me la rend, pour me demander de remplir les cases que j’ai négligées: la date d’arrivée, le numéro de visa; en somme des cases que j’aurais du remplir, certes, mais dont lui aussi détient le contenu. Et c’est dans ce petit détail qu’on voit toute la différence : le douanier Thaïlandais aurait tiré un stylo de sa poche pour remplir les cases (deux ou trois, c’est vite fait). Le douanier Indien, lui, me rend la fiche et croise les bras derrière sa tête en attendant. Je lui demande s’il préfère que je remplisse les cases ailleurs pour permettre aux gens qui sont derrière moi d’avancer… ? Surtout pas ! Je peux prendre mon temps, lui prend le sien.
Autre différence notable avec l’Asie du sud-est : les Indiens ne sourient pas. Pas comme en Asie en tous cas où les gens vous retournent votre sourire automatiquement, comme si c’était la première des politesses (ça l’est pour eux). Les Indiens me regardent parce que je suis blanc, mais ils semblent complètement inconscients du fait que je les vois me regarder. Ils ont le regard fixe et le visage inexpressif, très curieux de mes faits et gestes, mais à moins que je m’adresse à eux directement ils ne donnent pas l’impression de se rendre compte que leur attitude m’est perceptible, qu’ils utilisent le body language. On dirait qu’ils me regardent comme un écran de télévision, bien étonnés si tout à coup je m’adresse à eux.: s’ils ne me quittent pas des yeux, il n’y a pas pour autant d’interaction.
Pour que vous vous figuriez un peu le tableau je vous rappelle que l’Inde est surpeuplée. Concrètement ça signifique que des Indiens, à Bombay, y en a partout… Genre : partout. Y a pas un coin vide, dans aucune rue, ni aucune ruelle : il y a toujours quelqu’un. Et quand 20% des gens qui sont dans une rue vous regardent parce que vous êtes le seul blanc, ben, ça fait beaucoup, un mur d’yeux… Il y a treize millions d’habitants à Bombay : c’est la ville la plus peuplée du monde (hors agglomération), plus que la Belgique, le Portugal ou la Grèce, un peu comme si toute la population Cambodgienne habitait au même endroit… Y en a avoir beaucoup de gens à Bombay.Nicolas, mon ex-co-stagiaire qui a inspiré le personnage d’Aurélien dans « Indiana Tom » est venu me chercher à l’aéroport. Seconde surprise : pas besoin de négocier le rickshaw ! A Bombay les compteurs marchent !!! A Delhi, ils ne marchaient jamais, sauf en présence d’un agent de police (bizarrement). Je suis un peu déçu : j’avais pris goût à la négociaction lors de mon séjour ici. Je vais découvrir qu’il s’agit d’une des nombreuses différences entre Bombay et Delhi: il y a aussi moins de temples, moins de misère, moins de bordel mais plus de monde, du monde à la mode, bien habillé (tous les garçons – quatre-vingt pour cent des gens que je croise dans la rue sont de sexe masculin – portent leur chemise des années 70 et leur pantalon psychedlic avec moustache et brushing) et certaines filles s’autoriseraint la mini-jupe, me dit-on.
Mais revenons à notre rickshaw: certes nous ne négocions pas mais ce n’est pas si simple pour autant car le compteur n’affiche pas le prix à payer, il affiche un chiffre auquel correspond le prix à payer. C’aurait été trop simple sinon! Je reconnais bien là mes Indiens… Donc en arrivant en fin de course on compare le chiffre du compteur avec un vieux bout de papier mal imprimé afin de découvrir le tarif .Nicolas m’explique que c’est pour ne pas avoir à régler le compteur à chaque variation du cours de la roupie. Je m’en réjouis : même à Bombay l’occidentale, l’ambitieuse, la fashion, l’Inde conserve son illogisme et sa complexité, deux éléments fertiles en aventure et en poésie.
Nico et moi décidons d’aller nous promener sur la plage, pour une fois qu’il fait beau comme il dit (on est en pleine mousson). Ah ! La plage ! Respirer l’air pur en soulevant à chaque pas des grains de sables qui viennent délicieusement se glisser entre vos doigts de pieds le long des dunes désertes ! Hmm, pas vraiment. Les photos de l’article parlent d’elles-mêmes je crois: aucun festival n’est en cours, aucun spectacle, c’est juste l’heure de la ballade dominicale de plusieurs milliers de personnes. Prenez conscience que tous ces gens engendrent une production de CO2 quotidienne qui ne constitue pas le dixième de la notre et vous comprendrez pourquoi la planète est dans la merde s’ils parviennent à obtenir le même train de vie scandaleusement abusif que le notre, chose que nous n’avons certainement pas le droit de leur refuser, et, j’ai envie de dire, pas les moyens.
Sur la plage, des Indiens nous arrêtent pour nous serrer la main. Dès que le contact est établi, le body language change, la fixité du regard se dissipe pour dévoiler des gens vraiment accueillants et sympas. Mais que c’est dur de faire abstraction de tous les autres yeux ! Car dès que nous discutons avec quelqu’un, des dizaines de badauds se massent autour pour écouter la conversation et nous regarder en silence. Ici c’est juste tellement normal d’être collé les uns aux autres. Au début c’est oppressant, puis ça devient quelque chose de drôle voire de chaleureux, d’une certaine façon, car en annihilant la surface de l’espace personnel, on annihile les occasions d’être offensé. Le contact n’en est plus une en tous cas: ce n’est plus grave d’être bousculé. Au bout de cette différence culturelle il y a le calme dont j’ai parlé plus tôt, peut-être aussi parce qu’il y a trop de badauds pour s’énerver. Je ne sais pas si ce que j’écris ici vous parlera vraiment, car j’ai du mal à vous communiquer ce que je découvre aujourd’hui si je ne vous explique pas ce que j’ai déjà découvert il y a quatre ans et qui a rempli un bouquin. Pour faire plus simple, disons que, en Inde, la relation entre les gens est basée sur quelque chose de complètement différent de ce qu’on connaît nous. Il n’y a pas de mot pour dire « merci », la plupart du temps on ne se dit pas « au revoir » non plus. Imaginez la scène : un Indien s’approche de vous, pénètre votre espace personnel en collant son nez quasiment au bout du votre, vous demande l’heure, puis ne remercie pas, ne sourit pas, et s’en va sans dire au revoir. Ce n’est qu’un exemple bien sûr, mais ça peut peut-être vous donner une idée de ce qu’est l’interaction avec les gens de la rue.
Ne croyez pas que les Indiens ne sont pas sympathiques, au contraire ! Ils sont très accessibles, très sympas, très accueillants (il est possible de se lier avec eux avec une facilité déconcertante et sans comparaison avec les sud-orientaux d’Asie) et s’ils ne répondent pas aux sourires lancés à distance, ils sourient tout au long des conversations, et même encore longtemps après… On dirait presque que l’action de sourire n’a rien à voir avec la notre. Le sourire n’est pas l’objet d’un échange. Ce n’est pas un sms envoyé pour réception, en échange d’un autre sms, c’est plutôt un fond d’écran. Ce n’est pas « tu m’as souri, je te souris », c’est plutôt « nous avons en ce moment une conversation sur le thème du sourire ». Halala, tout est tellement différent ! Comme je le disais dans mon dernier article : l’Inde c’est le pays où les gens font « non » de la tête pour dire « oui ». Je trouve que c’est l’exemple le plus frappant. Ca va être dur de vous faire passer mon « feeling » par article, alors encore une fois je vous renvoie à mon roman à venir.
Demain je commence ma carrière Bollywoodienne : je vais me pointer là-bas et demander à jouer dans une pub ou un film, je vous dirai comment ça a marché.
P.S : Pensez à passer votre souris sur les photos pour qu’apparaissent les commentaires, j’en laisse toujours.
P.P.S: Comme finalement ça devient compliqué de mettre beaucoup de photos au sein de l’article, je vous file exceptionnellement les liens vers les albums facebook:
La Birmanie 1
La Birmanie 2
L’Inde 1
P.P.S.: Navré pour le style déplorable de cet article (je me relis à l’instant), malheureusement je ne peux pas m’offrir le temps d’une réécriture. En espérant que le fond compensera la forme… Il est 2h20 ici et j’ai (sans doute) mon premier casting demain XD
Drôle de paradoxe. Pour moi, foule est synonyme d’activité, de bruit, de dynamisme. Les rues commerçantes, les concerts en sont des exemples. Du coup, voyant ces photos surpeuplées, je me suis
attendu à une armée de fourmi grouillant et gesticulant dans tous les sens… Mais non, tu nous décris une apathie complète… Surprenant.
L’article est effectivement moins bon que les précédents, il tourne aussi un petit peu en rond je crois, mais c’est pas bien grave :)