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Dissection du Philosophe de l’Aventure | Jay WorldMan
Un serpent boa en pleine digestion: il vient d'avaler un éléphant!

Un serpent boa en pleine digestion: il vient d’avaler un éléphant!

Comment disséquer une personne ?

Les « jeux de rôles » nous l’enseignent.

Quiconque pratique les « jeux de rôles », ces jeux qui consistent à se projeter, soi ou son personnage, dans des situations imaginaires, commence par l’étape dite de la « création du personnage ». L’objectif de cette étape est de déterminer un moyen d’évaluer l’efficacité des réactions du joueur (ou du personnage qu’il va jouer s’il ne joue pas son propre personnage) dans une situation donnée du monde imaginaire dans lequel on va le faire évoluer.

C’est assez simple. Voici un exemple :

Imaginons que vous jouiez à un jeu de rôle qui tourne autour du monde de Lucky Luke. Vous êtes Lucky Luke. Vous chevauchez sur Jolly Jumper et vous décidez, comme ça, pour vous amuser, de tirer avec votre pistolet sur un cactus qui se trouve à dix mètres de vous. Comment faire pour déterminer si vous parvenez à le toucher ? Le maître du jeu (c’est-à-dire votre ami qui vous dit ce que vous voyez, sentez, qui vous rencontrez, etc. tandis que vous ne vous préoccupez que d’être Lucky Luke) annonce la difficulté de l’action que vous tentez d’accomplir. Il annonce une difficulté de niveau 1 (c’est vraiment facile). Cela signifie que si vous lancez un dé et obtenez 2, 3, 4, 5 ou 6 vous réussissez l’épreuve. Vous ne ratez que si vous faites 1 ! Vous avez donc 5 chances sur 6 de réussir… Sauf que vous êtes Lucky Luke ! Parce que vous êtes Lucky Luke, un expert du tir au pistolet, on reconnaît à votre personnage un bonus de +10 dans tous les jets de dés qui impliquent l’utilisation d’une arme à feu. Cela signifie qu’au pire, vous ferez 11 (10 + 1), vous allez donc forcément toucher le cactus.

Toutes les qualités d’une personne peuvent ainsi être décomposées. Pour pouvoir évaluer la réussite de quelqu’un dans une situation imaginaire, on décompose ce quelqu’un (dissèque), et on met des notes à chacune de ses qualités, par rapport à la moyenne. Les qualités les plus souvent utilisées dans les jeux de rôles sont les suivantes :

Force : la valeur de la force sert de repère pour tout ce qui a trait aux efforts physiques intenses.

Constitution : la valeur de la constitution sert de repère pour tout ce qui a trait à l’endurance, la santé, etc.

Dextérité : la valeur de la dextérité sert de repère pour tout ce qui a trait à l’habileté, l’équilibre, etc.

Intelligence : pour tout ce qui a trait à la vivacité d’esprit, à la compréhension.

Sagesse : pour tout ce qui a trait à la volonté, à la pertinence des choix (l’intuition).

Charisme : pour tout ce qui a trait aux rapports entre individus.

Exemple : Vous poussez un chariot ? Test de force ! Vous tombez malade ? Test de constitution ! Vous faites une tour en allumettes ? Test de dextérité ! Vous essayez de résoudre un problème mathématique ? Test d’intelligence ! On veut savoir si vous avez peur ? Test de sagesse ! Vous demandez à quelqu’un de vous aider ? Test de charisme !

Dans les jeux de rôle, ces six qualités de bases sont liées à ce qu’on appelle des « compétences ». C’est-à-dire qu’un personnage qui a étudié les mathématiques toute sa vie aura une « compétence mathématique ». Si on soumet un problème mathématique à ce personnage, il y aura donc un bonus à ajouter à sa simple intelligence pour déterminer s’il parvient ou non à résoudre le problème.

Les jeux de rôle ont donc établi un système d’évaluation des personnes !

Petit exercice ! Analysez vos amis : qui de vos potes a un bonus en intelligence, en dextérité, etc.

Sagesse et Intelligence comparées

En pratiquant ce petit exercice là on constate quelque chose d’étonnant : la pertinence de la distinction faite entre la caractéristique « intelligence » et la caractéristique « sagesse ». Se sont toutes les deux des caractéristiques liées à l’esprit, mais qui mettent en avant deux de ses aspects distincts.

Souvent, quand quelqu’un est très intelligent, il a un certain aval sur les autres, on conclut qu’il aura davantage tendance à avoir raison, bref, en un mot, qu’il est sage. Or ça n’a rien à voir.

Je me suis souvent étonné que des personnes que je considérais plus intelligentes que moi puissent parfois faire des choix qui me paraissaient navrants.

Il ne faut tout simplement pas confondre les deux : l’intelligence est une espèce d’ordinateur, plus ou moins moderne (on va du minitel à la dernière génération de PC). La sagesse, c’est la main qui tient la souris et utilise le clavier.

Il y a des gens dotés d’une prodigieuse intelligence qui ne sauront jamais s’en servir, et d’autres pas tellement malin qui savent parfaitement où ils vont.

Etre intelligent, c’est l’équivalent d’être fort, dans le domaine de l’esprit. Mais c’est la sagesse qui fait l’homme.

La qualité essentielle du philosophe de l’Aventure

En disséquant le philodélA (pour « philosophe de l’Aventure »), on lui découvre une qualité essentielle, celle qui lui a permis de devenir ce qu’il est. Elle précède toutes les autres qui découleront ensuite de ses choix de personnages, de ses choix d’aventurier. Il s’agit du courage.

Il est intéressant de l’identifier en tant que qualité essentielle car cela permet d’en faire un point de repère propre à débusquer l’Aventure là où l’on ne la voit pas toujours, pourvu qu’on s’y fie.

Sans le courage, il n’y a pas de philosophe de l’Aventure, il n’y a pas non plus d’aventures choisies : il n’y a que des aventures subies.

Par l’expression sans cesse renouvelée de son courage, le philodélA répète le choix initial qui a fait de lui ce qu’il est : celui de vivre.

Le philodélA qui privilégie systématiquement la décision la plus courageuse est donc cohérent avec lui-même, avec la raison pour laquelle il préfère la vie à la mort.

Le fait que le philodélA reconnaisse le courage comme valeur première ne remet pas en cause sa négation du bien et du mal : mentir, voler, tuer, peuvent demander beaucoup de courage et en ce sens trouver valeur aux yeux du philodélA, de même que se sacrifier, protéger, etc.

Le courage c’est l’affrontement. Ce n’est ni la soumission, ni la domination, c’est exprimer sa capacité à être vivant, c’est manifester sa volonté.

Notons que la question du courage est une question personnelle, et qu’il y a des actes courageux qui ne seront pas reconnus comme tels par bon nombre d’ensembles culturels. Ce n’est bien sûr pas ce qui importe.

Analogie de la tarte aux fraises

Reprenons le petit exercice proposé plus haut. Certaines personnes se chagrinent à l’idée qu’elles ne sont les meilleures nulle part. Du moins le perçoivent-elles ainsi.

Or il y a un domaine dans lequel chaque être humain est le meilleur : celui d’être lui-même.

Prenons une tarte aux fraises. Il y a de la crème, de la pâte, des fraises bien sûr, etc. Mais la meilleure tarte aux fraises, ce n’est pas celle qui compte le plus de fraises, ou celle qui contient le plus de crème, ni celle encore qui a le plus de crème, pâte et fraises… La meilleure tarte aux fraises, c’est celle qui convient le mieux aux papilles de ceux qui vont la manger.

Voilà pourquoi chacun devrait se réjouir d’être ce qu’il est en attendant de trouver ceux qui l’apprécieront à ce titre, si ce n’est déjà fait.

Cet état d’esprit étant générateur de courage, il est propice à ouvrir la voie de l’Aventure.


Cet article a été écrit sur une tombe au cimetière du Père Lachaise. C’est un très bel endroit qui est à l’origine de la confusion dans mes propos, si confusion il y a.