Dimanche. Je me lève vers quinze heures pour trouver un tailleur, histoire qu’il prenne mes mesures : mon « agent » doit les transmettre à la production pour le tournage du « bollywood » de début septembre, auquel je dois participer. Mission plus ou moins facilement accomplie, mais mon « agent » refuse que je lui envoie les mesures par mail, il veut que je lui transmette mes chiffres par texto : la taille de mon avant-bras, ma largeur d’épaule, la longueur extérieur et intérieur de mes jambes, etc. Avec son accent indien je ne comprends rien à ce qu’il me dit au téléphone, à part cette phrase : « A baby would understand what I am asking you to do ! ».
Oh putain ! Mais comment il ose parler à une star ce gros fou ?! Je lui ai tout de suite rappelé qui était le patron avant de concéder à lui donner ma taille de chausse. N’empêche qu’il m’a beaucoup énervé… Tout ce stress qui s’accumule quand on est acteur ! Bref, il était temps que je fasse un break dans ma fulgurante et sulfureuse ascension de comédien pour retourner à la réalité. Ca tombait bien puisque Nicolas (mon hôte et camarade) avait pris son gros appareil (photo) en main et se proposait pour une promenade.
Nous avons remonté Hill Road, l’une des artères de Bandhra, le quartier bobo (à l’indienne je précise) pour fouiller ses perpendiculaires. Il y a tellement de couleurs partout en Inde, sur les gens et sur les murs, que chaque coup d’œil vaudrait la peine d’être imprimé sur papier.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que je déteste les photos zoomées : si c’est joli, ça ne rend pas bien compte de la réalité. Je publie dans cet article les quelques unes qui vous permettront de voir les lieux que nous avons traversés plus ou moins dans leur ensemble.
En arrivant dans les bidonvilles (juste derrière chez nous : en Inde richesse et pauvreté se rencontrent partout), nous sommes accueillis par des enfants, avides d’être photographiés. Je n’avais pas d’appareil photo, moi, alors je vais essayer de rendre par écrit la joliesse de la scène : Nicolas, au bout d’un champ d’ordures, photographie (grâce à son zoom hyper-puissant) les enfants qui jouent à la balle et aux raquettes de l’autre côté, à une trentaine de mètres de là. Ils sont prévenus par leurs aînés et se précipitent en riant vers Nicolas pour regarder ses clichés… Puis ils repartent à leur place, de l’autre côté du champ où ils reprennent leurs jeux afin que Nico fasse de nouvelles photos. Je me suis un peu avancé et ils me bousculent en riant et en chahutant dans leurs habits multicolores, petits nuages jaunes, roses, verts et bleus lancés à pleine vitesse par un vent de bonne humeur. Après quelques allers-retours ils se concentrent aux pieds du photographe et pausent, en duo ou en groupe, tandis que le soir descend sur l’immeuble voisin : tout délabré.
Dans les ruelles du bidonville aussi il y a des couleurs, des animaux, des gens… C’est pauvre mais ce n’est pas malheureux. Nicolas déclare :
– Ca c’est l’Inde que j’aime.
– L’Inde de la misère ? lui dis-je, non sans intention de le provoquer.
– L’Inde de gens qui sont heureux, qui n’ont rien et qui ne s’en plaignent pas. Pas comme chez nous.
– Alors d’accord pour la décroissance ?
– A fond.
A la sortie du bidonville il y a une chèvre attachée à une corde. J’en profite pour me faire sucer les doigts : les grands plaisirs sont souvent les plus simples.
Juste MORT DE RIRE pour cet article. 1 tu racontes toujours aussi bien, et ton humour est toujours là.
2/ arrete avec tes putain de chevre mdr