Inlay Lake. En Birmanie, le « big 4 », les quatre lieux à visiter sont Rangoon, Bagan, Mandalay et ses environs, et Inlay Lake. On fait donc on ne peut plus classique comme itinéraire, même s’il est vrai que dans ce pays il n’y a pas besoin de se forcer beaucoup pour voir de belles choses. Nous faisons l’effort au niveau des moyens de transport néanmoins, choisissant la dernière classe du train le plus lent, pour voir. Nous sommes payés en paysages, superbes, blablabla. C’est très vert : au fur et à mesure que nous quittons la plaine pour nous engager dans la montagne, le climat change. La terre rougit et nous verrons bientôt apparaître des pinèdes. A chaque arrêt du train dans des villages, des femmes, plateau sur la tête, viennent nous vendre fruits et gâteaux, à nous comme aux autres voyageurs : c’est le ravitaillement. Le train les ravitaille aussi : en sac de riz que les Birmans sont allés acheter en ville pour les ramener chez eux. Celui qui me sert de marche pied descend à cette station de montagne, pour le plus grand malheur des deux petites souris grises qui s’y approvisionnaient.
Lorsque marchandises et voyageurs sont descendus, manœuvre qui prend environ une demi-heure, le train repart en arrière, jusqu’au prochain embranchement, puis de nouveau vers l’avant, jusqu’au prochain village.
Il y a des militaires à bord, ou des policiers, difficile de les distinguer. Tintin (qui m’accompagne toujours) et moi, ne savons pas trop de quel œil les voir. Sont-ce des méchants au service de la junte ? Sont-ce des moyennement gentils qui cherchent juste à gagner leur vie ? Les Birmans ne laissent rien paraître à leur égard.
Comme les policiers se mettent à l’aise, Tintin attire mon attention sur leur équipement:
– Mate le flingue !
En effet, à la ceinture que le policier détache de ses hanches, pend un impressionnant… lance-pierre ! Il y a aussi des menottes, un couteau et une matraque. Apparemment c’est suffisant pour empêcher une révolte. Nous prenons des photos discrètement (je précise que ce faisant nous avons risqué nos vies : nous sommes des héros).
Inlay lake tarde à se montrer. Nous ne le verrons pas du train, mais seulement une fois dedans. Je passe sur les négociations du pick-up, de l’hôtel, etc. Hier nous avons fait un tour en vélo sur les bords du lac pour finir à boire du vin dans un restaurant avec vu sur les canaux et ses longues barques en allumette que les birmans propulsent à la force du moteur ou des jambes dont ils se servent pour ramer : en les enroulant autour de leur rame. Mais faut pas croire, d’autres rament aussi à la main…
Aujourd’hui nous avons loué notre propre bateau, Tintin, Koji (un japonais d’occasion) et moi. Il n’y a qu’une fois sur le lac qu’on se rend compte de son importance centrale, et de l’environnement du lieu. Hier nous avions goûté aux chemins de terre rouge et aux canaux boueux de la même couleur, jurant avec le vert tellement vert des champs… Aujourd’hui nous volons en rase-vagues sur une vaste étendue d’eau cernée de montagnes qui débordent de nuages blancs. Nous croisons des Birmans qui, ramant avec les jambes sur leurs embarcations toutes fines donnent l’impression de marcher sur l’eau. Sur le lac il y a des villages entiers construits sur pilotis. Nous nous en remettons au barreur qui nous conduit à tous les points touristiques. Ce qui signifie qu’une vingtaine d’Occidentaux y passe chaque jour, ce qui est très peu.
Nous visitons ainsi des orfèvres, des tisserands (j’ai été surpris d’apprendre qu’on pouvait obtenir du fil quasiment prêt à tisser rien qu’en brisant la tige d’une fleur de lotus : il y a plein de filins blancs dedans qu’il suffit d’enrouler pour leur donner de l’épaisseur), un marché local, une fabrique de cigares, un temple bouddhiste, etc. Plus originale : l’étape chez les femmes aux longs cous. Il n’y en a que cinq dans la cabane sur pilotis. Elles nous accueillent en souriant et nous invitent à prendre des photos. Trois d’entre elles ont de 13 à 17 ans, les deux autres sont plus âgées. Impossible de discuter directement avec elles qui ne parlent pas anglais, mais d’autres nous renseignent : ces femmes aux longs cous sont ici pour servir d’attraction touristique, elles sont en fait originaire d’une région voisine. C’est leur job, en somme, et elles le font avec le sourire, posant gentiment sur les photos. Tintin me confie que la situation le met mal à l’aise, ce que je comprends pour le ressentir moi-même, mais que je relativise en songeant que je ne serais pas gêné de servir d’attraction en tant que Français, au prétexte que, par exemple, j’ai un nez plus long que le commun des asiatiques… En l’occurrence, les femmes aux longs cous ont le long cou: elles portent des anneaux pour l’allonger qu’elles doivent garder toute leur vie, car une fois la nuque étendue elle n’est plus assez forte pour soutenir la tête. Cette tradition a trois origines, trois justifications plutôt :
1- les colliers protègent de la morsure du tigre (qui, apparemment, n’attaque qu’au cou… Pour en savoir plus sur pourquoi le tigre est un con, lire l’article suivant en cliquant ici)
2- les femmes aux longs cous ont pour grand-mère un dragon… C’est tout ce qu’on m’a dit, d’où j’ai conclu qu’avoir le cou long rapproche de l’idéal dragon.
3- la troisième raison qui justifie le port de cet ensemble de colliers auquel, chaque année, on rajoute un nouveau degré, c’est que c’est joli. Faut voir, ces filles le sont mais je ne suis pas sûr que le collier soit un plus. Enfin, on ne discute pas des goûts…
Après les femmes aux longs cous nous sommes allés voir les « moines aux chats sauteurs » en traversant de larges allées de plants de tomates flottants que leurs cultivateurs entretiennent à partir de leurs barques… laborieux ! Mais il y a une vraie vie sur le lac, une vie « à bateau », où la solidarité est de mise, les barreurs de barques à moteur n’hésitant pas à remorquer les moins équipés qu’eux. Bref : « les moines aux chats sauteurs » ont appris à leurs chats à sauter. Pour tout dire, ça n’est guère impressionnant de voir un chat sauter dans un cerceau… Mais l’intitulé est poétique.
Moins poétique sont les vendeuses qui ont investis les abords du monastère et qui réclament la « lucky money ». Le concept est le suivant : il faut qu’elles fassent leur première vente du jour pour que les affaires commencent (superstition ou simple bon sens ?)… Et nous réclament cette bénédiction en nous forçant à l’achat… C’est aussi la justification qu’elles donnent aux exceptionnels rabais qu’elles proposent. Je ne crois pas que ce soit un pur attrape-touriste car ayant cédé (une fois, à Bagan) j’ai vu ma vendeuse qui bénissait ses autres produits avec mon billet.
Nous sommes repartis sous la pluie de la mousson. Les nuages avaient tellement débordé des montagnes qu’ils les cachaient à présent, ne les dévoilant que par intermittence, comme pour nous rappeler qu’au bout de l’eau nous n’irions pas tomber dans quelque ciel inversé qu’auraient caché les hautes herbes.
Coucou Nabolo !
Encore de bien belles aventures que tu nous offres la ! Décidément, je suis jaloux :p
J’espère encore une fois que tout se passe pour le mieux pour toi ainsi que pour Tintin :]
Bref, j’ai pas trop le temps de parler, mais j’espère que mes commentaires te font quand même un minimum plaisir :p
Sur ce, bon voyage une nouvelle fois, et bonne nuit (Je crois que c’est ça xD)