The Jabberwocky : traduction poétique
Aujourd’hui je veux vous parler d’un poème un peu spécial, il s’agit du « Jabberwocky » de Lewis CAROLL, poème qui apparaît dans « De l’autre côté du miroir » la suite des aventures de « Alice au pays des merveilles ».
« The Jabberwocky » est célèbre dans le monde anglosaxon, et vous en connaissez peut-être certains éléments comme le Jabberwocky lui-même ou l’épée Vorpal qui sont des éléments centraux du film de Tim Burton.
« The Jabberwocky » est aussi présent dans le dessin de Walt Disney qui rassemble des éléments des deux aventures d’Alice au pays des Merveilles (les premières et celles de l’autre côté du miroir), il est notamment chanté par le « chat foin » (« chestshire cat » en anglais) et le « bois de Tulgey » ainsi que les « Mome rath » sur lesquels Alice ne doit pas marcher sont tirés du poème.
La particularité de « The Jabberwocky » est d’être réputé « incompréhensible ». Pourquoi ? Parce qu’à première vue, « The Jabberwocky » est composé de mots inventés par l’auteur, sans queue ni tête. A seconde vue néanmoins, et comme l’expliqua l’auteur, ces mots ne sont autre que ce qu’il appelle des mots « portemanteau » (un ancien mot pour dire « valise » en anglais), c’est-à-dire des mots dans chacun desquels on peut en ranger plusieurs autres, une invention à lui que l’histoire explique par le fait qu’il était victime de bégaiements… et les commentateurs de se disputer pour trouver quels mots chacun des mot-valises de « The Jabberwocky » renferme.
Mais… et le sens profond du poème dans tout ça ? Pas la moindre trace de début d’explication sur internet ! Ou plutôt si : le Jabberwocky ne serait qu’un poème sans queue ni tête, une ballade rigolote remplie d’inventions verbales.
Il m’est impossible de me résoudre à pareille explication. Avant de vous livrer mon sentiment et ma théorie au sujet de « The Jabberwocky » je vous invite à prendre connaissance du poème ci-dessous, et de la traduction que j’en propose, peu éclairante mais fidèle à la construction poétique de l’original.
Il fouazouillait, les comboniles Gyraient et pageaient sur l’alaire ; Tous les bazmèss étaient scouiviles, Et la mom rait d’olère.
« Gare au Barigouany, mon fils ! Le croc qui mord, l’ongle qui trape ! Gare à l’oiseau Paftap, et fuis Le frumeux Bontagrape ! »
Il prit l’épée d’orpale en main : Longtemps il chercha l’hainemie — Jusqu’à trouver l’arbre Tomtomté, Où s’arposer un pi.
Comme il poissonnait dans ses rêves, Le Barigouany, l’œil en flashs, Vint rensiflant du bois touffrèye, En piplotant sa marche !
Un, deux ! Un, deux ! Et d’outre en outre L’épée d’orpale fit frencas ! La tête au mort, il prit du corps Et chez lui galompha.
« T’l’as tué le Barigouany ? Viens sur mon coeur, enfant binoi ! Ô frabieux jour ! Délu ! Délien ! » Il s’extourziait de joie.
Il fouazouillait, les comboniles Gyraient et pageaient sur l’alaire ; Tous les bazmèss étaient scouiviles, Et la mom rait d’ilère.
The Jabberwocky
‘Twas brillig, and the slithy toves
Did gyre and gimble in the wabe;
All mimsy were the borogoves,
And the mome raths outgrabe.
“Beware the Jabberwock, my son!
The jaws that bite, the claws that catch!
Beware the Jubjub bird, and shun
The frumious Bandersnatch!”
He took his vorpal sword in hand:
Long time the manxome foe he sought—
So rested he by the Tumtum tree,
And stood awhile in thought.
And as in uffish thought he stood,
The Jabberwock, with eyes of flame,
Came whiffling through the tulgey wood,
And burbled as it came!
One, two! One, two! and through and through
The vorpal blade went snicker-snack!
He left it dead, and with its head
He went galumphing back.
“And hast thou slain the Jabberwock?
Come to my arms, my beamish boy!
O frabjous day! Callooh! Callay!”
He chortled in his joy.
‘Twas brillig, and the slithy toves
Did gyre and gimble in the wabe;
All mimsy were the borogoves,
And the mome raths outgrabe.
Sans chercher à donner du sens à chacun de ces mots, ce poème vous laisse-t-il une impression générale particulière ? Oui ? Gardez-la en tête, nous verrons si ce qui suit la conforte ou la déforme car il s’agit d’une exposition logique qui, chez moi, a conforté mon sentiment de lecture, et je suis curieux de savoir ce qu’il en sera pour vous…
The Jabberwocky : théorie de départ
Cet article, ou cette petite étude si vous préférez, est née d’un postulat que je tiens pour extrêmement crédible : Il n’est pas possible que Lewis CAROLL n’ait pas donné un sens caché à ce texte.
A moi cela paraît évident, mais l’avis populaire semble défendre l’idée qu’il s’agit simplement d’une ballade champêtre servant de prétexte à l’emploi des mot-valises. Je ne peux pas me résoudre à pareille explication. Lewis Caroll aimait donner du sens aux choses et jonglait avec les symboles. Même s’il l’a fait de manière anodine sans y accorder plus d’importance, il a dû, en écrivant ce poème, avoir une ligne directrice en tête ; une idée porteuse de la structure de son poème… Et d’autant plus volontiers que l’emploi des mots-valises le libérait des contraintes poétiques : il est plus facile de faire de la poésie avec des mots imaginaires qu’avec le nombre restreints et les connotations liées à ceux du réel. Je trouve presque choquant qu’on ne cherche pas à trouver un sens à « The Jabberwocky » quand le pays des merveilles, l’invention de L.C., n’est finalement qu’une combinaison de symboles invitant à la réflexion philosophique. Comment « The Jabberwocky » ne serait-il pas une pièce du puzzle ? D’autant qu’il est de première importance dans « De l’autre côté du miroir ».
« The Jabberwocky » a donc un sens à mes yeux, un sens philosophique. Il peut s’agir d’une allégorie dissimulée sous plusieurs couches de symboles… Mais laquelle ? Comment la découvrir ? En évitant de se perdre dans les pièges de ce labyrinthe que constitue l’usage des mot-valises, de quoi parle vraiment « The Jabberwocky » ? Que raconte-t-il ?
« C’est l’histoire de quelqu’un qui tue un monstre. »
Oui mais non, pas comme ça. Plus en détail ? Etape par étape ?
Le poème évoque la mise en garde d’une personne à une autre personne, qu’elle appelle « son fils », contre un certain nombre de créatures ; la rencontre de ce fils avec l’une de ces créatures dont il coupe la tête ; le retour du fils, ramenant la tête du monstre à la personne qui l’avait mis en garde et la joie qui résulte de son retour et de sa victoire.
Ça ne vous rappelle rien ? Formulée de cette manière, la structure « The Jabberwocky » m’évoque immédiatement celle de la légende de Persée et de la Méduse, un mythe fondateur, le grand mythe (je ne m’aventure pas à dire « le seul ») de l’histoire du monstre dont on coupe et ramène la tête. Plus j’y pense, plus le lien me paraît évident, et ce que j’ai découvert ensuite n’a fait que le confirmer. Si ma théorie s’avère être bonne, le personnage qui appelle l’autre personnage « mon fils » n’est pas son père, ni un prêtre, mais sa mère, à qui Persée rapporta la tête du monstre pour tirer vengeance du roi qui avait tenté de la violer.
C’est un début. Mais je suis d’accord, ça ne suffit pas. Maintenant je dois vous parler du sentiment qu’a provoqué chez moi la première lecture de « The Jabberwocky ». Sans que j’en comprenne chaque mot, le premier paragraphe m’a semblé décrire une situation tranquille, paisible, qui évoluait vers l’inquiétude d’un personnage, lequel en mettait en garde un deuxième, au début de la seconde strophe.
Admettons maintenant que les deux personnages mis en scène soient, comme je le pense, une mère et son fils. Contre quoi une mère pourrait-elle mettre son fils en garde ? Contre un monstre, bien sûr. Mais je vous parle d’un niveau allant au-delà du symbolique : c’est-à-dire du degré où l’on peut tirer un enseignement de ce qui est raconté.
C’est peut-être une erreur, mais j’ai voulu prendre en compte la vie personnelle de L.C. pour trouver une explication. Je dis « peut-être une erreur » car rien ne prouve qu’il ait mis beaucoup de profondeur dans le sens caché derrière ce poème (sens dont je ne doute pas de l’existence en revanche), et encore moins quelque chose de personnel… même s’il n’est pas non plus fou de penser que ses enseignements soient tirés de ses propres expériences, et que les personnages maternels qu’il a mis en scène soient des échos de ceux qui l’aient jadis entouré. Sans compter que toute une partie de son œuvre poétique est qualifiée par certains d’autobiographique, et que ses histoires semblent souvent liées à une certaine forme de son intimité : je veux dire par là qu’il y avait quelque chose de lui dans ces histoires.
Me voici avec un nouvel outil en main donc, une deuxième lunette dont je vais me servir pour interpréter le texte.
- La première : « The Jabberwocky » est une variante du mythe de la légende de Persée
- La seconde : il y a quelque chose d’intime au poète cachée là-dedans
Les spéculations que vous lirez plus bas sont autrement plus hasardeuses que ce que je viens de vous dire. Pour moi on navigue toujours dans la sphère de l’extrêmement crédible… Et pourtant une partie du voile du mystère est déjà levé : le personnage qui parle, dans « The Jabberwocky », est une mère. J’aimerais maintenant vous parler du monstre…
Au niveau symbolique, que représente Méduse (ou Médusa) dans le mythe de Persée ? Cela a été largement commenté. On dénombre dans cette légende trois personnages féminins principaux : la mère (Danaé), la vierge (Andromède) et enfin la vile, la tentatrice : Méduse.
C’est ce rôle-là que je vais assigner au Jabberwocky dans mon interprétation du texte. Car oui, d’après mes conclusions, le Jabberwocky est une femme, un certain type de femme ou une certaine vision de certaines femmes qu’avait l’auteur du poème. Il ne me semble pas incohérent d’imaginer que Lewis Caroll n’aimait pas les femmes (cela correspond parfaitement à ce que l’on raconte de sa vie personnelle), ou en tous cas un certain type de femmes : les sophistiquées, les charmeuses, les mondaines… peut-être aussi les dominatrices. Il préférait les petites filles ou les mères, mais se tenait à l’écart des dames…
J’EXTRAPOLE, JE SAIS. Mais j’extrapole en me basant sur un sentiment ou une peur qu’on retrouve communément chez les grands solitaires et qu’il n’est pas incongru de prêter à Lewis Caroll (notamment soupçonné d’avoir été Jack l’éventreur… soupçon infondé dit-on, mais que quelqu’un ait pu imaginer qu’il le soit prouve que l’homme ne passait pas par un adorateur du beau sexe).
Pour autant cela ne prouve rien. Mais avant de relire le poème avec les lunettes que j’ai évoquées plus haut et de mettre en avant tous les éléments qui sont susceptibles de conforter cette théorie, j’attire votre attention sur le titre du poème qui est aussi le nom du monstre dont la tête est tranchée… « The Jabberwocky ».
« The Jabberwocky », qu’est-ce que cela signifie ? C’est un mot-valise, et c’est Lewis Caroll lui-même qui donne l’identité des deux mots qui le constituent, dans une lettre adressée à une classe d’élèves de Boston qui souhaitaient nommer leur magazine ainsi. Il leur dit :
« The Anglo-Saxon word ‘wocer’ or ‘wocor’ signifies ‘offspring’ or ‘fruit’. Taking ‘jabber’ in its ordinary acceptation of ‘excited and voluble discussion, »
Si je souhaite interpréter cette explication dans le sens de ma théorie, c’est tout simple. « fruit » ou « offspring » désigne un enfant ; une conversation « excitée et volubile », dans la tête d’un homme du XIX siècle, c’est une caractéristique féminine. Jabberwocky serait donc l’équivalent d’une pipelette dans l’imaginaire de Lewis Caroll. De fait, toutes les traductions qui ont été faites de ce mot sont très proches de ce que j’avance, le Jabberwocky porte dans toutes les langues un nom qui évoque la conversation. Cependant la partie « fruit/offspring » du mot semble avoir été occultée. Si je n’avais déjà fait le lien avec la légende de Persée je serais tenté de traduire Jabberwocky par « les conséquences de la rumeur » mais je veux m’accrocher à ma première conclusion, que de nombreux autres éléments vont venir confirmer.
Pour cela je vous propose d’étudier « The Jabberwocky » ligne après ligne, de le lire en l’interprétant à l’aide de mes fameuses lunettes, et de voir par vous-mêmes si de nouveaux éléments infirment ou confirment ma supposition…
The Jabberwocky : analyse
Les explications sur le contenu des mots-valises et la source de ces informations ci-dessous ont été trouvées sur wikipédia et ce site que je vous conseille d’ouvrir dans une page à côté pour bien me comprendre.
Pour chaque vers j’ai écrit à la suite non une traduction mais une interprétation de la symbolique cachée dans le vers. Ces vers peuvent être interprétés de mille façons, mais je vais les interpréter dans le sens de la théorie exposée plus haut et voir si je rencontre des contradictions, afin d’estimer si cette théorie est crédible…
En cliquant sur la ligne vous ouvrirez un onglet avec des explications au sujet de chaque mot. Bonne lecture, je vous retrouve un peu plus bas… =)
[show_hide title= »‘Twas brillig, and the slithy toves ???? C’était le printemps et les douces jeunes filles »]
Twas : la contraction de it+was, « c’était »
Brillig : un mélange des mots bryl + broil, mais j’y vois aussi « boil ». « ig » serait alors « eg ». La grande majorité des interprétations, basées sur ce qu’en disent Lewis Caroll et Humpty Dumpty (le personnage qui explique le poème à Alice) sont d’accord pour dire qu’il s’agit d’un indicateur de temps, pas d’action (excluant la possibilité que ig = ing). Le temps en question serait la deuxième partie de l’après-midi, période à laquelle on commence à préparer le souper. Il s’agit en tous cas d’une période dégageant une certaine tranquillité. Dans mon interprétation, broil ou boil + egg signifie « préparer un œuf ». L’œuf est un symbole de l’enfant. Broilig serait alors le moment où l’on prépare un enfant, la saison des amours.
Slithy : composé de slimy + lithe, doux et actif, je dirais même « douces et vives ».
Toves : soi-disant des sortes de blaireaux-licornes ou encore des lézards selon que l’on se fie à Lewis Caroll ou à Humpty Dumpty. Je ne crois ni l’un ni l’autre : pour moi ces explications sont des excuses pour dissimuler un symbole autrement trop flagrant et risquant de trahir le sens caché du poème. J’interprète « toves » comme « doves » : des colombes, image symbolique de la jeune femme, vierge, à marier, parfaitement associable aux adjectifs douces + vives.
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[show_hide title= »Did gyre and gimble in the wabe ???? Flirtaient et perçaient les cœurs ainsi qu’il convient »]
Gyre : du latin, tourner comme dans « gyroscope ». Lewis Caroll a prétendu que cela pouvait également signifier « se gratter comme un chien » et je vois dans cette remarque la preuve qu’il aimait à alimenter le débat et l’intrigue autour de son poème. Gyre a bien un lien avec « tourner » mais aucun avec un « chien qui se gratte », c’est une plaisanterie. J’interprète « gyre » comme « tourner autour », aller et venir, flirter… le jeu de la séduction quoi. Je pense notamment à cette façon qu’avaient les jeunes filles de tourner coquettement sur elle-même lorsqu’elles essayaient une jolie robe.
Gimble : mot qui viendrait directement de « gimlet », c’est à dire une vrille, quelque chose qui perce des trous. Gimble serait alors l’action de percer, comme des cœurs par exemple.
Wabe : le côté d’une colline d’après Lewis Caroll qui donne une interprétation très différente de son personnage d’Humpty Dumpty. Pourquoi se plait-il ainsi à le contredire ? Pour moi cela soutient ma théorie selon laquelle, une fois son œuvre publiée, Lewis Caroll se plait à faire croire qu’elle n’a aucun sens. Au contraire je pense qu’au moment d’écrire son œuvre toute la symbolique était minutieusement réglée… Cependant si Lewis Caroll n’est pas crédible, Humpty Dumpty ne l’ait pas totalement non plus car le personnage connaît mal le poème qu’il explique à Alice, même s’il a la prétention d’affirmer le contraire. D’ailleurs cette attitude d’Humpty Dumpy, qui est prêt à raconter n’importe quoi pour fournir une explication, même boîteuse du Jabberwocky, n’est elle pas similaire à celle que je prétends que Lewis Caroll adopte lui-même ? Bref, d’après Humpty Dumpty et avec le concours d’Alice, wabe serait une valise des mots way + be. J’y lis donc « the way to be », une sorte de « parce qu’il doit en être ainsi », « qu’il en est ainsi », « qu’ainsi va la vie ». Ce concept est en tous cas lié au temps qui passe, puisqu’il fleurit autour d’un cadran solaire (sundial) comme le précise les personnages dans le texte.
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[show_hide title= »All mimsy were the borogoves ???? Les vieilles ménagères s’en indignaient »]
Mimsy : serait un vrai mot qui signifie misérable, « unhappy » c’est-à-dire « mécontent ».
Borogoves : d’après Lewis Caroll un race éteinte de perroquet. C’est-à-dire un vieil oiseau qui parle, une créature que je mets en opposition avec les Toves évoqués plus haut, le contraire de jeunes colombes vives et douces… ou plutôt que le contraire : la même créature en plus vieux, avec le plumage collant. Notons alors que le mot a la même terminaison et que le préfixe qui s’y applique pourrait nous donner un indice sur ce qui distingue les toves des borogoves. « Boro » évoque notamment « to bore » : ennuyer. Les borogoves seraient-elles de vieilles toves ayant perdu leur vivacité ? Devenues ennuyeuses ? L’explication d’Humty Dumpty va dans ce sens puisqu’il décrit les borogoves, certes comme des oiseaux, mais également comme des balais-vivants. Quelque chose qui évoque la ménagère plutôt que l’amante ou la demoiselle et qui je crois annonce l’intervention de ce personnage que j’identifie à la mère du héros. Lewis Caroll dit également que les borogoves font leur nid (symbole maternel) sous les cadrans solaires (symbole de temps, d’âge) et qu’elles « vivent du veau »… C’est un peu tiré par les cheveux que je vais vous dire mais pour rester fidèle à la loupe que j’utilise afin d’interpréter le texte : c’est-à-dire qu’elles vivraient à travers leur enfants mâles (veau = symbolique de l’enfant mâle). Les borogoves seraient donc de vieilles ménagères, des mères-poules.
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[show_hide title= »And the mome raths outgrabe ???? Et la mère éclata de colère »]
Mome : soi-disant la valise des mots « from home », et selon cette interprétation, quelque chose de familier. Ce pourrait même être la « borogove from home » c’est-à-dire la ménagère de la maison, soit la mère. Plus simplement : mome signifie mum à mes yeux. C’est un des mots-clefs pour appuyer ma théorie… Et je trouve cela autrement plus crédible et annonciateur de la prise de parole d’un personnage au paragraphe suivant que l’interprétation selon laquelle mome et tous les mots qui l’entourent ne seraient qu’un descriptif d’animaux de la campagne.
Rath : l’explication de Lewis Caroll ? Une sorte de tortue qui marche sur les genoux et qui mange des huîtres… Celle d’Humpty Dumpty ? Une sorte de cochon vert… Foutage de gueule ! Et en quoi cela serait-il alors un mot valise ? Qu’est-ce qu’il contiendrait en rapport avec ces explications ? Pour moi il ne s’agit que du mot « wrath » déguisé : la colère.
Outgrabe : le préfixe « out » désigne quelque chose qui sort, dans ce cadre-là il s’agit d’une explosion. Notons que « outgrabe » est très proche de « outrage », soit un outrage, comme en français, mais qu’il pourrait aussi être lu comme rage + out = la rage qui s’exprime. Humpty Dumpty décrit le mot comme une sorte de couinement de souris. Mon interprétation à moi colle parfaitement avec mon interprétation de wrath : tout ça a du sens et les orthographes sont très proches de ce qui pourrait être une phrase en anglais compréhensible. Notons d’ailleurs qu’au passage, et à moins d’appliquer la grille de lecture que je vous propose, une grille de lecture qui serait assez proche de l’anglais correct, le premier paragraphe est démesurément incompréhensible en comparaison avec le reste du poème où le sens des mots se devine plutôt aisément.
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[show_hide title= »Beware the Jabberwock, my son ! ???? Méfie-toi des demoiselles, mon enfant ! »]
Beware : méfie-toi, gare !
Jabberwock : comme nous l’avons déjà vu plus haut, jabberwock peut être traduit par « fruit à la conversation excitée et volubile ». Jusqu’à présent, le champ lexical de la vivacité n’a été utilisé que pour décrire les toves, mes colombes à moi, le jabberwocky n’étant, d’après mon interprétation, qu’une sorte de tove, la plus dangereuse d’entre elles. Il s’agit d’une enfant à la conversation volubile, d’une pipelette.
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[show_hide title= »The jaws that bite, the claws that catch ! ???? De leurs paroles moqueuses et de leurs griffes »]
The jaws that bite : les mâchoires qui mordent. Au niveau symbolique, le Jabberwocky qui est un animal parlant beaucoup, mordrait avec ses paroles, comme une très belle jeune femme capable de faire mal avec des mots, ou avec des ragots (avis aux féministes : je ne juge pas les femmes d’aujourd’hui, j’explore la tête d’un auteur du XIXème !). Notez qu’après recherche, je viens de trouver que « to jaw » signifie « papoter ». Les mâchoires qui mordent deviendraient alors des papotages qui mordent, qui font mal.
The claws that catch : les griffes qui attrapent. On est en plein champ lexical féminin (ou monstrueux ^^’) ! Il est intéressant de noter que les griffes du Jabberwocky ne griffent pas, ne coupent ni ne blessent mais qu’elles attrapent. Comme dans l’expression « mettre la griffe sur quelque chose » ou « mettre le grappin sur quelqu’un ».
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[show_hide title= »Beware the Jubjub bird, and shun ???? Méfie-toi des passions charnelles, et garde-toi »]
Beware : méfie-toi, gare !
Jubjub bird : voici un autre des mots clefs de ma théorie et je suis fier de vous exposer mon audacieue théorie à ce sujet… Pour moi le jubjub bird représente la ou les passions, et plus spécialement la passion charnelle. Pourquoi ? Mon premier indice, je le tiens de Lewis Caroll lui-même qui nous définit jubjub bird comme : « A desperate bird that lives in perpetual passion / un oiseau désespéré qui vit dans une passion perpétuelle ». Notez au passage que la manière négative dont est présentée ici la passion (désespéré) sert ma théorie : le héros va devoir se défendre contre elle. Pourquoi s’agit-il de passion charnelle ? Parce que pour moi, et de manière très poétique, le jubjub bird désigne l’appareil génital féminin (ceux qui pensent que je suis fou levez la main ! XD). Comment est-ce possible ? Poétiquement, qu’un vagin soit associé à un oiseau n’a rien d’extraordinaire… d’accord, ça ne suffit pas. Mais j’ai un indice que je ne tire pas de ce mot-là sinon d’un autre mot du poème, le seul qui partage la même structure. Or je crois à l’association du sens des mots qui ont une ressemblance. Je ne suis pas Lewis Caroll mais en tant qu’auteur je manie des symboles depuis longtemps, et à moins de vouloir faire de l’humour, si je devais inventer un langage imaginaire, « trolalalabistwagi » ne signifiera pas « rouge » si « u » veut dire « vert », parce qu’aucune passerelle n’est imaginable entre ces deux mots. En revanche « vila » et « vilo » pourraient bien dire rouge et vert, ou droite et gauche… Vous me suivez ? Venons-en au fait : l’autre mot sur lequel j’appuie mon argumentation, c’est « tumtum tree ». Pour moi tumtum est une répétition des premières lettres du mot « tummy », c’est-à-dire que le « tumtum tree » serait « l’arbre du ventre », soit le sexe masculin auquel s’associe très bien l’oiseau en langage symbolique puisque l’oiseau se perche sur l’arbre, oiseau et arbre devenant deux mots aussi complémentaires que peuvent l’être « serrure et clef », « chat et chien », etc.
Shun : avant de découvrir que le mot shun existait vraiment je l’avais interpréter comme une valise pour « sun » et « shut » : fermer comme un soleil, faire taire quelque chose comme si on était le soleil, éclipser. Il se trouve que to shun est un véritable mot anglais, et que mon interprétation n’est pas tellement éloigné de ce qu’il signifie, shun signifiant « éviter ».
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[show_hide title= »The frumious Bandersnatch !” ???? De leur furieuse domination ! »]
Frumious : est une combinaison de fuming et furious d’après Lewis Caroll.
Bandersnatch : un autre des mots clefs de ma théorie. La question principale, si on met mon parallèle avec la légende de Persée de côté, c’est pourquoi inventer un monstre dont la caractéristique principale, ou du moins le nom, est le fait d’avoir une conversation excitée et volubile ? Dans le bestiaire du poème, ce Jabberwocky est secondé par le bandersnatch. « Bander » signifiant « chef », un bandersnatch serait une créature qui chasse le chef d’un groupe (cf : wikipédia). Est-ce une attitude qu’on peut qualifier de féminine ? Ou cela met-il par terre tout ce que j’ai supposé jusqu’alors. Le bandersnatch n’est pas à mes yeux qu’un chasseur de chef mais, symbolique, un tueur du chef qui se trouve en la personne qu’il chasse, c’est-à-dire, en un seul mot : un castrateur, une castratrice. C’est à l’encontre de ce monstre que la mère met en garde le fils. Ce personnage de la castratrice n’est d’ailleurs pas étranger au pays des merveilles : rappelons-nous de la reine de cœur, personnage féminin dominant qui écrase son époux de roi et d’ailleurs le pays des merveilles tout entier… Le jabberwocky ne serait-il qu’une déclinaison de ce même personnage ?
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[show_hide title= »He took his vorpal sword in hand ???? Il s’arma de sainteté »]Vorpal : l’épée que le héros prend en main est « vorpal ». Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? Vorpal a l’air d’être un adjectif. Il ne s’agit pas d’un nom propre contrairement à l’emploi qui en est fait dans les jeux de rôle ou, me semble-t-il, dans le film de Tim Burton. Le mot vorpal, chez moi, évoque quelque chose de clair. Ça ne sort pas du fin fond de mon imagination mais de sa relation avec le mot « opal » (ou opale en français). Il a été noté –on ne sait pas par qui- que ce mot pouvait être formé des lettres alternées de « verbal » et « gospel ». Et je crois qu’il y a effectivement quelque chose de religieux derrière ce mot, de clair, de pur, de saint… J’entends même le mot « vow » dans sa prononciation : le vœu, comme un vœu de chasteté. C’est l’interprétation que je vais donner à Vorpal dans cette explication de texte. Il s’agit d’un vœu de chasteté, l’arme avec laquelle le héros vaincra la tentation que représente Médusa, le Jabberwocky. De manière amusante, notons que « sword » contient le mot « word », et que vorpal sword n’est pas loin de signifier « oral word », le mot oral, le serment (même si je sais que là j’élucubre franchement). De la même manière qu’avec avec jubjub bird et tumtum, j’associe vorpal au mot « tulgey » qui apparaît plus loin. Tulgey signifie épais, dense et sombre ; vorpal signifierait son contraire, fin, léger et clair. Les deux mots sont des adjectifs, leur utilisation dans le texte est similaire. Ah et pour finir sur l’association de l’épée vorpal à un symbole religieux, je rappelle qu’une épée a la forme d’une croix.[/show_hide]
[show_hide title= »Long time the manxome foe he sought ???? Longtemps il guetta ce fauve ennemi »]
Long time : longtemps.
Manxome : adjectif caractérisant l’ennemi. J’ai été ennuyé en trouvant dans wikipédia, une explication selon laquelle « manxome » pourraît être lié à l’idée de virilité « manly », ce qui aurait égratigné ma théorie d’un Jabberwocky féminin. Heureusement, en tappant « manx » dans google je suis tout de suite tombé sur une page concernant les chats « manx », une race de chat britannique – devinez quoi ?- naturellement dépourvu de queue. Le chat est également un symbole féminin, un symbole de la luxure et du vice et des sorcières. Un chat sans queue, pourrait bien être une chatte (désolé…). Lien amusant : l’épisode où le personnage très masculin de la reine de cœur estpourvu de la queue du Chestshire Cat, lorsqu’il reparaît, pendant la partie de croquet (mais ce passage fut invent par les studios Disney)… Quoi qu’il en soit, un chat sans queue, alors que j’espérais un adjectif féminin, ça convient parfaitement au point de vue que je défends.
Foe : ennemi.
Sought : chercher, chercha. Ce verbe m’embêtait un peu car je ne m’explique pas pourquoi le héros cherchait l’ennemi, après toutes les mises en garde qu’il avait reçu et l’insistance de sa mère pour que, justement, il l’évite. C’est parce que je traduisais mal le verbe qui ne signifie pas simplement « cherchait » dans le sens de « farfouiller » mais plutôt de chercher dans le sens de « attendre désespérément », un peu comme dans l’expression « to seek fortune ». Les résultats de traduction qui apparaissent sur cette page-dictionnaire [http://www.wordreference.com/enfr/seek] le montrent de manière flagrante : « chercher à obtenir », « solliciter », « courir après ». A la lumière de cette découverte je lis que le héros a « longtemps couru après/sollicité » la femme, son ennemie. Une attitude qui va pourtant à l’encontre de la recommandation maternelle… A moins que cette attente ne signifie « une attente vigilente ». Le héros ne cherche pas le monstre de la forêt, il ne cherche pas la tentatrice méduse, mais il est vigilant dans son attente, et cependant qu’il est vigilent et attentif, prémuni contre une attaque du monstre… [suite au passage suivant]
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[show_hide title= »So rested he by the Tumtum tree ???? Ainsi demeurait-il serein à l’ombre de sa chasteté « ]
So rested he : [suite du passage précédent]… il se repose. Pas dans le sens où il était fatigué et pique un somme, mais dans le sens où il connaît la paix. Il est sain, sauf et connaît une période d’harmonie. S’il se repose c’est avant la grande bataille, et pas après. Je crois que c’est une période une période de vie qui nous est décrite ici, plutôt qu’une simple sieste.
Tumtum tree : sans reprendre ce qui a été dit plus haut au sujet du jubjub bird, le tumtum tree serait le tummy tree ou tummy-tummy tree : l’arbre du ventre, une image de la verge telle qu’on aurait pu en trouver chez Léopold Sédar Senghor. Les deux poètes n’ont rien à voir, je cherche simplement à montrer que le concept est loin d’être étranger au monde poétique et symbolique. Quant au fait qu’il s’y repose… Difficile d’y trouver un sens sans tordre la structure de la phrase, néanmoins je ne me l’interdis pas car je crois qu’une fois la ligne directrice établie, la forme du poème peut l’emporter sur le fond, et que pour les besoins de la narration Lewis Caroll a pu préférer soigner l’image d’un homme qui se repose près d’un arbre plutôt que les symboles cachés derrière… et compte tenu de ces symboles, ça paraît même évident. Pour ma part je m’accroche à ma conviction, à mon premier postulat que tout cela a un sens, et qu’il ne se repose pas près d’un arbre par hasard. Qu’est-ce que cet arbre ? Voilà ma réponse.
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[show_hide title= »And stood awhile in thought. ???? Et élevait sa pensée »]
Stood : se tint debout, se dressa.
Awhile : un moment, une durée de temps.
In thought : dans ses pensées. Mais pas dans le sens de « rêverie » sinon dans celui de « réflexion approfondie ». Ce thought là dans mon interprétation désigne une activité intellectuelle intense menée à l’abri du désir et de la passion sexuelle que représente le tumtum-tree, concept que l’on retrouve caché dans la formulation « rest by ».
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[show_hide title= »And as in uffish thought he stood ???? Et comme il se dressait, farouche »]
Uffish : sur wikipédia je lis:
Carroll noted « It seemed to suggest a state of mind when the voice is gruffish, the manner roughish, and the temper huffish ».
Il est intéressant de voir que Lewis Caroll écrivait “it seemed to suggest”, “ça avait l’air de suggérer” à propos de son proper travail. Soit il partage ma vision du fait que l’inspiration est extérieure au poète et commente les mots qu’elle lui a jadis suggéré comme s’ils n’étaient pas les siens ; soit il ne se rappelle plus bien du contenu secret de son poème… Et je trouve cette explication très plausible. Moi-même, en reprenant cet article et en retrouvant ma traduction de « The Jabberwocky » – celle que je vous ai livrée plus haut – j’avais oublié le contenu de mes mots-valises et toute une partie de la symbolique, ne me rappelant plus que le fil directeur caché dessous, l’idée générale du poème. Je m’imagine bien que, des mois et des années après l’avoir écrit, Lewis Caroll ait oublié toute une partie de la symbolique, des codes qu’il a posés sur la structure du poème et qu’il préfère alimenter l’image fantastique et bizarre de son pays des merveilles plutôt que décoder toute la symbolique qu’il y a derrière. Voilà pourquoi, comme je l’ai déjà dit, je ne prends pas au pied de la lettre ses commentaires sur le sens des mots, hormis celui de « jabbewocky », trop central pour qu’il l’ait oublié. Pour en revenir à cette valise « uffish » et aux mots qu’elle contient : ils sont tous les expressions du concept de mauvais caractère, mauvaise humeur, dureté, etc. Pour moi ce sont des attributs de la virilité et je traduis le terme par « farouche ».
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[show_hide title= »The Jabberwock, with eyes of flame ???? Une séductrice, aux yeux passionnés »]Eyes of flame: yeux de feu, qui évoque la passion dans le cadre de mon interpretation, l’impétuosité de la jeune fille et son pouvoir séducteur, voire destructeur… Rappelons au passage que le regard de Méduse aussi était destructeur, puisqu’il pouvait changer les hommes en pierre, ce qu’au passage j’ai toujours interprété comme ceci : « Méduse, la séductrice, détruisait le cœur des hommes, leur ôtait leur sensibilité : elle les changeait en pierre ». Et pour moi c’est parce que Persée s’aimait suffisamment lui-même (usage du miroir) qu’il a réussi à la vaincre… Autre vaste sujet.[/show_hide]
[show_hide title= »Came whiffling through the tulgey wood ???? Vint le charmer en sa retraite »]
Whiffling : vient vraisemblablement de « whistling », « siffler ». Quelle connotation y ajoute le double « f » ? Je ne suis pas suffisamment anglophone pour pouvoir le dire, et de manière générale il est certain qu’une bonne partie des nuances du texte me passe complètement au-dessus de la tête, bien sûr, j’en suis conscient. Mais je veux avancer dans mon étude et je vais donc interpréter « whiffling » comme un sifflement de séduction, celui que pourrait produire un serpent, plutôt qu’un sifflotement par exemple. Notons que dans la traduction du poème que je propose plus haut, « piplotant » évoque ce sifflotement. Parce que ma traduction a été faite alors que mon interprétation du texte n’était pas encore mûre et qu’elle visait surtout à respecter et reproduire l’aspect littéraire, poético-technique de « The Jabberwocky », et pas tant que ça son symbolisme.
Tulgey wood : « tulgey » viendrait de « tulgu », un mot de Cournouailles qui signifierait dense, épais et sombre. Comme dit plus haut j’oppose cet adjectif à l’adjectif « vorpal ».
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[show_hide title= »And burbled as it came ! ???? et l’approcha coquettement »]Burbled : Lewis Caroll écrit que ce serait une valise des mots murmurer, bêler, et « chanter de manière plaisante ». J’y vois l’évocation d’un chant de sirène, un son qui doit charmer le penseur solitaire, le poète qu’est le héros vers le troupeau des moutons et de la masse dont son intellect et sa chastet l’ont éloigné. [/show_hide]
[show_hide title= »One, two! One, two! and through and through ???? En un instant »]Pas de sens caché, on m’a suggéré que le mouvement de l’épée puisse évoquer l’acte sexuel mais je ne le crois pas. Je pense que ça décrit simplement le combat; que l’aspect du poème, son histoire « lisible » prend ici le pas sur la symbolique.[/show_hide]
[show_hide title= »The vorpal blade went snicker-snack ! ???? Il congédia la demoiselle »]Snicker-snack : « snicker » signifie « se moquer de manière ouverte ». Dans mon interprétation, la moquerie est déjà évoquée au sujet des « jaws that bite », ces mâchoires qui mordent. Il est intéressant de remarquer que snicker-snack pourrait également évoquer la morsure/douleur d’une moquerie ou d’une humiliation. Le héros combattrait alors le Jabberwocky sur son propre terrain, le moquant après avoir pris de la hauteur avec son intellect, en se plongeant dans le travail de l’esprit, pourquoi pas dans la religion. Est-ce inenvisageable qu’il y ait là une référence à l’histoire personnelle de Lewis Caroll ? L’homme était très pieu (il devait être ordonné prêtre). Et si le Jabberwocky racontait l’histoire de cette déception amoureuse qui lui a fait préférer le monde de Dieu, des idées et de l’intellect aux mondanités ? Bon d’accord : j’extrapole, je n’en sais rien.[/show_hide]
[show_hide title= »He left it dead, and with its head ???? Et maître de la situation »]Rien de particulier… Avant de faire le lien avec Méduse cependant, je me demandais si “its head” ne pouvait pas symboliser la raison du héros, ayant dominé la tentation et qui possède donc « toute sa tête ».[/show_hide]
[show_hide title= »He went galumphing back. ???? Revint à la source de son être »]Galumphing back : peut-être un mélange des mots « galopant » et « triomphant ». Il est intéressant de noter qu’aucun cheval n’est jusqu’alors évoqué dans le poème. Mais ce n’est pas bien important, le cheval pouvant être considéré comme un détail qui ne méritait jusqu’alors pas d’être mentionné. De plus on peut « galoper » sans cheval : il peut s’agir d’un type de démarche ou de course. Je vais tout de même ajouter un détail amusant, même si je pense qu’il est plus décrédibilisant qu’autre chose, mais voilà : lorsque Persée coupe la tête de Méduse, Pégase s’en échappe. Pégase c’est le cheval ailé, symbole de l’inspiration poétique. Persée ne le chevauchera jamais (quoiqu’il y ait des versions pour prétendre le contraire), mais peut-on imaginer que le héros du Jabberwocky, une fois qu’il a triomphé de son ennemi, chevauche triomphalement Pégase, retournant alors au plus haut de ses pensées et de son inspiration ? « Back » signifie qu’il rentre, qu’il retourne, mais où donc ? Et pourquoi pas au pied du Tumtum tree, là où il était le plus à même de s’élever par la pensée… ? Bon d’accord, ça tire dur sur les cheveux tout ça :p[/show_hide]
[show_hide title= »And hast thou slain the Jabberwock ? ???? As-tu vaincu la tentation ? »]Slain : peut-être traduit par « tué » mais aussi annihiler, détruire, éliminé, applicable à un concept ou une tentation.[/show_hide]
[show_hide title= »Come to my arms, my beamish boy ! ???? Viens dans mes bras mon saint enfant »]Beamish : c’est un mot qui existe, apparemment, et qui pourrait être traduit par « lumineusement joyeux ».[/show_hide]
[show_hide title= »O frabjous day ! Callooh ! Callay ! ???? Merveilleux jour ! Crions la nouvelle ! »]
Frabjous : fabuleux et joyeux.
Callooh ! Callay ! : je ne pense pas avoir les connaissances requises pour interpréter ces mots-là. Ce que ça m’évoque ? Une équipe de footballeurs américains cherchant à se motiver avant un match « Call ooh ! Call hey ! » mais je doute que cela ait été l’idée de l’auteur… Autrement ? Peut-être que la mère avait deux amis de son entourage qui s’appelaient respectivement Ooh et Ay et qu’elle souhaite qu’on les avertisse de la nouvelle ? Mouais. Quoi qu’il en soit il s’agit vraisemblablement d’interjections joyeuses, ce qui suffira pour cette interprétation.
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[show_hide title= »He chortled in his joy. ???? Il soupira de joie. »]
He: alors là j’ai un problème. Si le personnage qui appelle le héros mon fils est sa mère, l’emploi de « he » ne m’arrange pas du tout. Et c’est bien ce qu’il semble être. Mais « les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être » n’est-ce pas ? Tout au long du poème, « he » ne fait référence qu’à une seule personne (hormis cette possible exception) soit le héros du poème. Il n’est pas impossible de conclure que ce « he » là ne fait pas exception à la règle et que c’est bien le héros qui « chortled in his joy » plutôt que le personnage qui parle juste avant. Mais je le reconnais, c’est un point faible qui peut remettre en cause toutes les interprétations au sujet de la mère. Il n’entame pas le reste de la symbolique pour autant… et la définition que je trouve de chortled vient plutôt à mon secours.
Chortled : Lewis Caroll définit ce mot comme une valise de to chuckle et to snort. Or, to chuckle peut-être assimilé à un rire discret de satisfaction, et to snort à une sorte de ronflement, le ronflement appartenant aussi au champ lexique de la satisfaction, de l’auto-estime (quelque chose de ronflant). Cette manière de rire ne s’associe pas bien à l’extravagant enthousiasme du personnage qui parle, mais plutôt pas mal avec la fierté du héros vainqueur, fier de son exploit, qui se permet un rire discret de satisfaction. S’il en est ainsi, les règles selon lesquelles il n’y a qu’un seul personnage qui prend la parole et « he » désigne systématiquement le fils sont respectées. Pour visualiser plus exactement le genre de rire qui semble décrit ici il faut imaginer quelqu’un qui pouffe, une fois, par le nez. Si le héros est devenu une espèce de saint ermite, doit-on comprendre qu’une grande joie parvient à peine à le faire pouffer ? Disons que je n’ai pas toutes les réponses, mais que j’ai le mérite de chercher ! XD Finalement, et compte tenu du contexte, le plus cohérent que ce rire pouffé soit une sort de soupir.
[/show_hide][show_hide title= »Twas brillig, and the slithy toves / Did gyre and gimble in the wabe; / All mimsy were the borogoves, And the mome raths outgrabe. »]La boucle est bouclée. La repetition de la première strophe a la fin n’est peut-être qu’une figure de style, ou la manifestation du « wabe », « the way to be » qui défend l’idée que l’histoire du Jabberwocky n’est pas unique, qu’elle se répète, et qu’il y a toujours des toves pour gyrer et gimler les cœurs à brillig.[/show_hide]
Fini ? Maintenant relisez le poème original et dites-moi ce que vous en pensez. Votre première impression de lecture a-t-elle évolué ? Lisez-vous désormais les conseils d’une mère à son fils ? D’une mère qui cherche à le mettre en garde contre les séductrices ? Peut-être des conseils que sa mère prodigua à Lewis Caroll, ou qu’il se prodigue à lui-même… à moins qu’il ne s’agisse d’un regard qu’il porte sur sa propre vie amoureuse ? Ou encore : rien, tout ça n’étant que pure folie sortie tout droit de mon imagination.
Toutefois (je dirais même une fois n’est pas coutume), je vais terminer cet article par un remarque incroyablement prétentieuse. Je connais bien l’univers de Lewis Caroll, pas parce que je l’ai étudié, mais parce qu’il m’a « formé ». J’ai été abreuvé de mythes et légendes quand j’étais petit, je regardais le dessin animé d’Alice au pays merveilles une fois par semaine dans mes premières années et j’ai lu et relu les livres à plusieurs étapes de ma vie… Wahou ! Non, je sais : on s’en fiche. Ça ne fait pas de moi un grand spécialiste mais je crois cependant que ça m’a donné des réflexes imaginatifs. J’ai toujours caché des symboles dans mes écrits, et il y en a plein ce blog que je ne vous explique pas. D’ailleurs et pour tout dire, ça ne me vient même pas à l’esprit d’écrire un texte qui ne cacherait pas un message plus profond (je prends un exemple : les nouvelles du recueil « transports en commun »). Et je crois que cette façon de faire, de penser la littérature, me vient des trop nombreuses fois où j’ai regardé Alice au pays des merveilles et des contes et légendes dont j’ai été abreuvé étant jeune. Quoi de plus normal que j’applique cette grille de lecture « symbolique » à l’œuvre qui me l’a transmise ? Qui m’a appris à lire et écrire les choses de cette manière ? Ceux qui ne sont pas familiers de ce type d’écriture trouveront peut-être que toutes les explications que j’ai données ici sont tirées de nulle part, qu’un auteur n’a pas pu, consciemment, penser à tous les symboles que l’on voit dans son texte. Peut-être pas tous, mais un certain nombre. Je vous donne l’explication de texte de ma première version du Jabberwocky, vous me direz si vous supposiez que j’avais caché tant de choses dedans… (ATTENTION: cette version est juste poétique, elle ne sert pas complètement l’interprétation du texte original que j’ai développé plus tôt car à l’époque de sa rédaction je n’avais fait qu’une partie de mes « découvertes » d’aujourd’hui)
[show_hide title= »Le Barigouany »]Barigounay : de baragouiner, monstre qui baragouine.[/show_hide]
[show_hide title= »Il fouazouillait, les comboniles »]
Fouazouillait : un mélange de « gazouillait » et d’un autre mot que… j’ai oublié ! On ne se rappelle pas toujours de ses propres symboles :p Même si, comme Lewis Caroll, je pourrais m’aventurer à définir le sens global de ce mot je ne sais plus du tout d’où vient sa première partie. Mettons que c’était jour de foire et que ça gazouillait dans l’air, donc.
Comboniles : colombes, colombines
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[show_hide title= »Gyraient et pageaient sur l’alaire ; »]
Gyraient : tournaient
Pageaient : parader, être à la page, se montrer, marcher comme un page
Alaire : l’aire de l’allée où il est bon d’avoir de l’allure, rappelons que l’aire peut aussi désigner le nid de l’aigle, d’un oiseau
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[show_hide title= »Tous les bazmèss étaient scouiviles, »]
Bazmèss : sorte de messe-basse, racontar, on-dit.
Scouiviles : je ne me rappelle plus très bien mais c’est vile en tout cas, et « scoui » est un son vile.
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[show_hide title= »Et la mom rait d’olère.« ]
Mom : la maman, la mère.
Rait : rageait.
D’olère : de colère.
[/show_hide]
« Gare au Barigouany, mon fils !
[show_hide title= »Le croc qui mord, l’ongle qui trape !« ]trape : attrape, mais qui piège aussi, comme une trappe et le verbe anglais « to trap »[/show_hide]
[show_hide title= »Gare à l’oiseau Paftap, et fuis »]Paftap : c’est le bruit que font les ailes de l’oiseau qui s’envole. Comme cet oiseau représente un danger, le bruit rappelle celui des coups aussi bien que celui d’ailes froissées qu’on déploie. L’oiseau Paftap doit ressembler aux fameuses « fessées » du conte pour enfant « le marchand de fessée » où les fessées sont des oiseaux avec de larges mains à la place des ailes qui se posent sur le derrière des enfants.[/show_hide]
[show_hide title= »Le frumeux Bontagrape ! »]
Frumeux : fumeux, furieux, brumeux (auréolé de brume et de mystère).
Bontagrape : je ne sais plus ! Quelque chose qui agrippe, attrape et qui le fait bien.
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[show_hide title= »Il prit l’épée d’orpale en main : »]Orpale : opale, blanc. Peut-être également lu comme « or-pâle ».[/show_hide]
[show_hide title= »Longtemps il chercha l’hainemie – »]Hainemie : sa haine à soi, comme dans mon « haine-mie » est « ma-haine »[/show_hide]
[show_hide title= »Jusqu’à trouver l’arbre Tomtomté, »]Tomtomté : je ne sais plus ! Comme tumtum tree n’avait pas de sens à mes yeux de l’époque (chose confirmée par wikipédia) j’ai pu me contenter de trouver une rime.[/show_hide]
[show_hide title= »Où s’arposer un pi. »]S’arposer un pi : s’arrêter pour se reposer un peu, pendant trois minutes et quatorze secondes (pi).[/show_hide]
[show_hide title= »Comme il poissonnait dans ses rêves, »]Poissonnait : nager, flotter. Je voulais que le mot soit proche du mot « uffish », qui contient fish, et dont je ne connaissais pas le sens.[/show_hide]
[show_hide title= »Le Barigouany, l’œil en flashs, »]L’œil en flashs : qui clignote dans le noir, qui apparaît comme un flash tellement la créature est rapide.[/show_hide]
[show_hide title= »Vint rensiflant du bois touffrèye, »]Rensiflant : siffler une rengaine, siffler de manière roque, en grognant, comme le son « rhan », siffler en rentrant du travail ou après commis un méfait par exemple.
Touffrèye : touffu, qui effraye, tellement dense qu’on ne peut que s’y frayer un chemin.[/show_hide]
[show_hide title= »En piplotant sa marche ! »]Piplotant : siffloter, parler avec plein de petits mots rapides, comme une pipelette, ce qui produit une sorte de sifflement, les paroles étant trop rapides pour être comprise. Il y a également l’idée de complot là-dedans : on pilote avec de mauvaises intentions (pour sûr !).[/show_hide]
Un, deux ! Un, deux ! Et d’outre en outre
[show_hide title= »L’épée d’orpale fit frencas !« ]Frencas : un franc fracas, le mot contient aussi « encas » qui est une traduction de « snack ».[/show_hide]
[show_hide title= »La tête au mort, il prit du corps »]Joliment dit, non ? :p[/show_hide]
[show_hide title= »Et chez lui galompha. »]Galompha : galloper triomphalement.[/show_hide]
« T’l’as tué le Barigouany ?
[show_hide title= »Viens sur mon coeur, enfant binoi ! »]binoi : j’ai oublié ! Je me rappelle seulement qu’il y a « bien » et « béni » dedans.[/show_hide]
[show_hide title= »Ô frabieux jour ! Délu ! Délien ! »]
Frabieux : fabuleux et radieu
Délu : élu et divin
Délien : divin et déliant (qui délie, qui libère)
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[show_hide title= »Il s’extourziait de joie. »]S’extourziait : s’extasier à se faire tourner la tête à s’étourdir, à s’estourbir : la plus grande explosion de joie imaginable.[/show_hide]
Il fouazouillait, les comboniles
Gyraient et pageaient sur l’alaire ;
Tous les bazmèss étaient scouiviles,
[show_hide title= »Et la mom rait d’ilère. »]Rait d’ilère : « rait d’olère » signifiant « rageait de colère », « rait d’ilère » signifie donc « rire d’hilarité ».[/show_hide]
Alors, qu’est-ce que vous en dites… ? Je suis fou c’est ça… ?
Je crois que c’est de loin l’article qui m’a le plus intéressé (et inspiré)
Et de près, t’as essayé ?
Bonjour,
Cet article est très intéressant ! J’ai lu que Lewis Caroll avait eu un bégaiement. Peut être que les créatures volubiles étaient des personnes qui l’insultant. Que pour le protéger, une figure en effet maternelle ou un mentor lui a conseillé de se méfier des gens habiles de leur langue, qui peuvent/veulent causer du tort à autrui, entrer dans leur tête et les atteindre, atteindre leur moral, etc. Les harceleurs en quelque sorte, les personnes qui répandent des rumeurs, qui se moquent, etc Et que ce poème exprime symboliquement l’acte de faire taire ces harceleurs ou tout simplement ne pas les laisser nous atteindre…
Encore moi, à première lecture du poème, je me suis dit que ça pouvait être une personne qui parle du nez, qui est enfantine, mais s’il était bègue, ça pourrait être l’intérieur de la tête d’une personne qui pour délier la parole choisit de s’inventer des mots ou de ne plus s’embarasser des mots pour se libérer de son « handicap ». Ou tout simplement quelqu’un qui se réfugie dans un monde parallèle où il contrôle les mots (il ne les subit pas), parce qu’il les invente, dans lequel il est en sécurité, parce qu’il peut combattre ses moqueurs et les vaincre
Très bonne analyse.
Merci ! N’hésite pas à la faire connaître :p
Bonjour
Je tient en premier a te remercier pour ton article qui est extrêmement pertinent et compréhensible. Je regarde Alice au pays des merveilles en cassette depuis que je suis petite et c’est de loin mon disney préféré . Cela faisait un long moment que je m’interrogeais sur les sens cachées que pouvait contenir cette fabuleuse histoire et plus précisément le jabberwoocky et n’ayant pas les moyen intellectuelle de l’analyser moi même ton blog m’a été d’une grande aide et m’a même motivée a lire le livre. Beau travail !
Merci Naella ! =) Ca me fait extrêmement plaisir que tu aies pris le temps de me laisser cet agréable commentaire ! (surtout qu’aujourd’hui c’est mon non-anniversaire!!! ;) )
J’ai absolument adoré votre interprétation!!!! C’est de loin l’une des analyses les plus amusantes que j’ai lue !!!! Excellent et merci pour ces clefs de lecture!
J’aimerais beaucoup entendre Tom Hanks et sa voix française déclamer ce poème, on croirait lire le tout vrai tout juste de Cloud Atlas.