Lundi dernier c’était Yom Kipur. Et comme je m’en veux de ne pas avoir pris le temps d’aller à la mosquée pour le ramadan, je suis allé à la synagogue avec ma mère, ma sœur, et deux de leurs amies respectives qui se sont chacune, à quarante ans d’écart, découvertes des ancêtres juifs il y a moins de quelques semaines.
Ca les a poussées à s’intéresser davantage à la religion et à la culture juive, et elles nous ont proposé de nous faire partager cette aventure !
Nous nous donnons donc tous rendez-vous devant la synagogue à 18h45, ma mère athéisto-protestante, ma sœur agnostico-sceptique, nos amies néo-juives et moi-même, panthéo-poétiste.
Devant la synagogue, quelques barrières permettent à un service minimal de sécurité de faire le tri entre ceux qui viennent pour les célébrations du soir, et ceux qui ne font qu’essayer de passer au travers de l’encombrement de la rue.
Je n’ai pas pu repasser chez moi et prendre la chemise blanche qu’on m’a recommandé d’emporter. Ma sœur et sa copine sont assises sur le trottoir avec leurs tatouages, leurs débardeurs et leurs cigarettes, elles passent les coups de fils nécessaires au rassemblement de notre petit groupe, initiative que nos coreligionnaires accueillent d’un œil soupçonneux.
Une fois réunis, pour entrer dans l’enceinte de la synagogue, nous nous présentons au jeune homme chargé de filtrer le passage des barrières.
Nous sommes tous censés être juifs, pour conserver la crédibilité de nos amies qui prennent le risque de nous faire partager cette expérience. N’étant pas reconnus du jeune homme, nous devons répondre à un certain nombre de questions en rapport avec notre généalogie avant de pouvoir assister à la messe.
BREF ! Une fois passés, ma mère en profite pour confesser qu’elle est en fait de culture protestante (voilà qui va rendre service à l’intégration de ses copines !).
A l’entrée de la synagogue, on me trouve une kippa (apparemment il y en a toujours à disposition pour qui n’aurait pas la sienne), puis je suis la foule jusque dans une salle de taille moyenne, bondée de gens, tous avec une kippa et un drap sur les épaules dont je ne connais pas la signification… (En fait, et contrairement à mon apparente érudition, je ne connais pas grand chose aux religions monothéistes en général et me borne donc à raconter ce qui m’a marqué).
Hommes et femmes sont séparés dans la synagogue, les enfants mis à part, qui sont libres de circuler un peu partout. On sent les petits très à l’aise d’ailleurs, salués et chéris par tout le monde (m’a-t-il semblé mais il m’a été impossible de déterminer si ceux qui les câlinaient parfois étaient liés à eux par le sang ou pas).
Il y a surtout des hommes d’âge mur autour de moi, qui lisent à voix haute un bouquin écrit avec des demi ou des tiers de carré sur une page, et en français avec l’alphabet latin sur l’autre page. Je suppose qu’il s’agit de prières. Les hommes ne semblent pas tous réciter la même, et certains élèvent parfois la voix sur un passage, alors que d’autres non. J’en conclus peut-être à tort, qu’ils prient individuellement à voix haute.
Il se passe des choses aussi sur l’autel du fond de la salle mais trop loin pour que je les vois (on est tous debout, serrés comme des langoustes).
De temps en temps des groupes entiers d’hommes de tout âge me bousculent pour passer. Il s’agit (ai-je compris grâce à mon voisin qui chante « allez les Cohen, allez ! » à chacun de leur passage) de membres d’une même famille cherchant à accéder à une place de devant.
Ce qui me surprend, c’est lorsque, soudainement, les gens commencent à déployer les draps qu’ils ont sur l’épaule et à se serrer en dessous en les tendant au-dessus de leur tête. Ce faisant ils créent une multitude de petits groupes… Une prière (je suppose) retentit. Un homme d’âge mur crie au garçon que j’ai pour voisin d’aller vite se cacher sous un voile, vite, vite ! Petit comme il est, il n’a pas de mal à se faufiler et à se cacher sous un dais. Mais moi je suis seul avec ma kippa, sans aucun drap sous lequel m’abriter, à moins de m’incruster brutalement dans un groupe, chose que j’hésite à faire parce que je n’arrive pas à déterminer si les groupes sont constitués de membres d’une même famille ou si on peut s’y joindre à la bonne franquette. Je soulève donc timidement le bout de drap qui pend dans le dos du monsieur devant moi pour me cacher dessous en essayant de ne pas trop lui coller aux fesses.
J’ai la hantise qu’on voit que je n’y comprends rien, alors j’applique la tactique de l’autruche en engouffrant ma tête encore un peu plus. De temps en temps, je jette un coup d’œil hors du voile pour voir comment les choses évoluent. Parfois le monsieur qui tient le drap bouge le bras et je suis obligé de laisser échapper mon coin de tissu pour ne pas me faire repérer… Je le récupère tout de suite après, tout en douceur, même si je déteste qu’on me pique ma couverture.
Finalement je crois que j’ai plus ou moins réussi à faire illusion. Celui à qui appartient le drap et qui le tendait en récitant sa prière ne s’est pas rendu compte de ma présence. Ce rituel terminé, les gens commencent à s’embrasser en se rassurant mutuellement sur l’état du château. Je ne suis pas sûr de l’effet que ça aurait de taper la bise au semi barbu qui me colle à l’épaule, je préfère donc gagner la sortie et éviter, peut-être, de commettre une gaffe irréparable.
A la sortie de la synagogue (mais toujours dans le bâtiment : contrairement à une église la synagogue ne semble pas remplir tout l’immeuble), on refait encore deux fois le coup du drap cependant que résonne le son mélodieux des cornes de brumes… Apparemment il est possible de se passer de drap en se mettant la main sur la tête, si j’en crois l’exemple de certains de mes voisins que j’imite immédiatement. Puis des gens tombent dans les pommes. Je me précipite, ravi à l’idée que je vais pouvoir mettre en pratique le tout nouveau savoir que j’ai acquis lors de ma participation récente à une démonstration de la Croix-rouge (en plus il y a un débriefilateur accroché au mur donc c’est trop la bonne occase). Malheureusement, les deux ou trois victimes respirent toujours et n’ont donc pas besoin de mes massages cardio-vasculaires. J’apprends simplement qu’elles ont commis l’imprudence de ne pas manger de la journée ! Toutes les trois ! Sacrée coïncidence…
J’attends sœur, mère et amies. Aucune ne vient. La synagogue, qui paraît petite de l’extérieur, se vide d’une quantité insoupçonnée de gens dont un grand nombre mache des petits pains qu’ils avaient dissimulés sous leur drap dont je comprends enfin la véritable utilité.
Devant le bâtiment, le staff de sécurité recommande aux gens de se disperser… Y aurait-il une menace d’attentat ??? Ou est-ce pour éviter de boucher la circulation et de faire chier les voisins ?
Je suis un peu déçu parce que je m’étais imaginé un banquet sur la fin. J’ai bien surpris, dans une salle, une famille ayant disposé des mets de toutes sortes sur une petite table, mais on était loin du barbecue.
Bref, j’ai rendu ma kippa et j’ai appelé les amis juifs de mon répertoire pour les rassurer : le château va et je me suis enrichi d’une nouvelle aventure, tintintin! Banga!
« panthéo-poétiste » J’aime bien l’appellation :p « nous devons répondre à un certain nombre de questions en rapport avec notre généalogie avant de pouvoir assister à la messe. » Drôle de filtrage O_o
Il te reste plus qu’à discuter avec un vrai juif pour comprendre le déroulement de ce que tu as vécu :) Enfin perso j’adore les symboles, je me serais renseigné avant plutôt qu’après pour éviter de
gaffer ^.^
Oui, si quelqu’un pourvait donner des explications sur tout ce que j’ai vu…?
Bon Nabolo j’vais pas te faire la leçon mais c’est pas un drap, c’est pas une prière bizarre sous un drap mais la finalité de Yom Kippour c’est-à-dire se laver de ses péchés pour la nouvelle année qui a lieu 10jours avant le grand pardon et c’est pas des carrés c’est de l’Hébreu, langue quasi morte.. on en parle quand tu veux (: