Marie-Innocente, jeune sœur du couvent des lilas, faisait sa tournée des miséreux.
Elle était jeune, vierge, belle, jeune et vierge. Lorsqu’elle voyait un pauvre ou un nécessiteux, elle était toujours la première à voler à son secours, surtout lorsqu’elle était seule et vierge, car à la vérité, bien qu’elle soit plus vierge que les autres nonnes, elle ne courait pas très vite.
Justement, ce soir-là, elle était seule, et finissait de dispenser l’amour du Seigneur de Nazareth quand elle fut surprise par la nuit :
« Oh ! Il fait nuit ! » s’exclama-t-elle surprise.
Comme elle pouvait-être naïve, candide et vierge parfois !
Marie-Innocente croyait à la bonté divine, mais elle n’ignorait pas que c’est à la nuit tombée que se manifestent les forces du mal… Aussi se hâta-t-elle en direction du couvent.
L’oiseau qui s’envole, le chat qui miaule la firent tressaillir… Les rues étaient noires comme de l’encre, hormis celle qu’éclairait la lumière d’une taverne d’où s’échappaient de joyeux chants paillards, impropres, toutefois, à réchauffer le cœur de la jeune vierge.
Elle s’inquiéta surtout du regard insistant que lui lança un vieil ivrogne, assis sur le pas de la porte. Marie-Innocente ne ralentit pas et poursuivit son chemin.
De nouveau errant dans la solitude et l’obscurité des ruelles, elle fut surprise d’entendre un bruit de pas, claudiquant, qui résonnait sur le pavé. Marie-Innocente se retourna pour découvrir, avec horreur, que le vieil ivrogne la suivait à bonne distance, en boitant à chaque enjambée.
Marie-Innocente accéléra le pas… Mais le bruit de la jambe boiteuse du vieil ivrogne s’intensifia : il accélérait lui aussi !
Marie-Innocente releva légèrement sa longue robe noire pour trottiner, puis pour courir. Mais le boiteux la suivait toujours, et même gagnait du terrain !! Marie-Innocente, haletante, mit toute l’énergie qu’elle avait pour mouvoir ses jambes qu’une terreur sans nom paralysait pour moitié… Mais le boiteux se rapprochait toujours.
Enfin ! Le couvent des lilas était en vue ! Vite ! Marie-Innocente se précipita sur la grille qu’elle ouvrit… C’est alors qu’une main, robuste et ferme, s’abattit sur son épaule.
« Par la grâce de Dieu… » gémit-elle avant d’être brutalement tirée en arrière. « Au nom du Seigneur je vous en… » glapit-elle encore au moment de tomber par terre, déséquilibrée. Sa phrase fut coupée par un violent coup de pied qui lui déboîta la mâchoire.
Tout en cherchant à se relever, Marie-Innocente en appela encore à Jésus, mais la main de l’ivrogne lui arrachait à présent sa coiffe pour empoigner les cheveux. Elle fut contrainte de tourner la tête vers le haut où une droite bien sentie lui fit sauter une paire de dents.
« Mais qu’ef que ze vous ai fait ?! » bredouilla la jeune nonne. Elle ne reçut pour toute réponse qu’un bourpif, suivi d’une clef de bras, d’un headlock, de la prise du marteau pilon et d’un « coup de la corde à linge » magnifiquement exécuté… Une véritable démonstration de catch!
Après que son agresseur l’eut de nouveau projetée à terre, Marie-Innocente, vaincue, récitait son ultime prière quand un coup de chaise lui fit perdre connaissance.
Alors le vieil ivrogne, jaugeant sa victime, inerte sur le sol, s’exclama, non sans fierté : « Tu m’as déçu Batman ! ».
C’est écrit par un connards pour tous les connards qui en bandent de plaisir