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Tavéta est une ville qui apparaît sur googlemap à l’échelle 50 km/20 miles (pour vous aider à situer son importance). Aucune route n’est goudronnée, même pas la principale autour de laquelle les maisons, dont certaines sont en bois, s’enfoncent dans la forêt et vers le Kilimandjaro, bien plus lointain, dont je n’aperçois que la base, large et solide (ça tient tout seul quoi), la cime étant couverte d’une masse imposante de gros nuages gris.
Après un bref arrêt à l’école maternelle, déserte à cette heure, nous traversons un marché d’étalages en bois et une piste d’atterrissage en terre. Richard serre la pince à tout le monde. Quand des enfants voient mon appareil photo, ils se précipitent pour prendre la pause. Flash-flash. Arrivés à son école maternelle, Richard m’explique par A + B que ce serait vachement bien si je pouvais lui ramener un bus, pour aller chercher les enfants dans la campagne le matin, tout ça, et que des DVD de cours d’anglais ne seraient pas de refus on plus.
Ceci dit, je précise qu’il ne me l’a pas demandé à l’indienne (style : « claque des doigts steupl’, je suis sûr que ça va marcher ! ») mais de manière réaliste en espérant que je le mette en contact avec des ONG. On a fait des plans et puis… j’ai eu une idée ! En fait je lui ai parlé de vous, je lui ai dit que j’avais un lectorat hyper motivé… alors me faites pas mentir et envoyez vos dons de 2.000€ à « nabolo.com-pompe-afric » tout de suite. Maintenant.
Plus sérieusement je suis vraiment bon pour donner un coup de pouce donc si vous avez la moindre idée pour aider Richard (ONG de votre connaissance, moyen de récupérer des livres ou des CD, DVD, etc.) je suis sérieusement preneur, voilà pourquoi cette phrase est écrite en vert, couleur de l’espoir (mais aussi couleur d’herbe).
Après un tour dans la deuxième école où j’ai vu quasi que dalle vu qu’il faisait nuit, si ce n’est le contenu des livres dessinés sur le mur de la cour pour économiser le papier (joli et pas con). Richard m’invite à diner chez lui en compagnie de Samuel, le sympathique professeur principal. Son salon ressemble assez au salon de Coolette : une micro-pièce équipée en sofas et en appareils vidéo, avec en plus des photos des membres de la famille encadrées au mur. L’autre partie de la maison me reste voilée d’un grand drap (ou peut-être drapée d’un grand voile, ‘suis pas sûr) qui, je suppose, cache les appartements privés. On m’assoit dans un sofa pour discuter un peu, avec la télé comme fond sonore. Il y a des enfants qui passent et qui repassent, mais ce ne sont pas ceux de Richard : c’est sans doute ma tête de singe blanc qui intrigue (Cf mes aventures à Bombay, ou la remarque d’amis indiens : « au début tu nous faisais penser à un singe blanc parce que vous êtes tous pareils les blancs, mais maintenant on arrive bien à te reconnaître. »). Quand on ne trouve plus rien à dire, on se laisse hypnotiser par la télé qui passe d’excellents programmes mexicains à l’américaine où tous les acteurs sont white. A l’écran, une femme trompée tente de noyer l’amante de son mari qu’elle surprend en flagrant délit de jacuzzi. On voit presque un bout de nichon qui est immédiatement pixélisé. Ouf ! C’est sûrement trop hard pour les enfants puisque Richard nous met un DVD, un de ceux qu’il affectionne le plus : « Brian is in the kitchen », un DVD pour apprendre l’anglais !
C’est un moindre mal car la bouffe (encore de l’ugali !) est prête, apportée par Madame qui a l’air d’être une femme aussi avenante que de caractère (elle me fait des feintes et tout). On se fait passer la bassine pour se laver les mains puis le plus jeune des enfants de Richard dit les bénédicités (rapidos : j’ai à peine eu le temps de comprendre de quoi il s’agissait que c’était déjà terminé) et nous mangeons à la main l’espèce de farine de manioc accommodée de très bons épinards et (c’est plus dur d’être végétarien ici qu’en Inde) d’un cadavre de vache découpé, cuit et plongé dans de la sauce (avant je mangeais pas de viande par choix, maintenant ça me dégoûte pour de bon… vous vous en foutez bande de connards excellents lecteurs ?). Je me laisse rapidement happer par les aventures de Brian qui, contrairement à la légende, est parfois dans le salon. Je parle pas mal avec Samuel qui me fait part de ses ambitions. Elles concernent l’éducation des siens et sont véritables. Il veut que les jeunes aient accès à l’éducation, pour voyager comme je le fais. Je m’abstiens de lui dire que ce ne sera pas possible puisque, s’ils prenaient tous l’avion autant que moi, la planète ne vivrait pas bien vieille. Je suis un nanti qui abuse de ses avantages, comme le font peu ou prou tous les hommes qui ont des avantages à abuser, et bien que je me plaise à m’auto-convaincre que je suis moins pire que tous les autres, et comme le font tous les autres… Malgré toutes ces belles excuses ça reste difficile à assumer comme position, celle du : « Moi je peux, mais pas toi ! ». Ca ne veut pas dire qu’une « égalité universelle » est inenvisageable, non, mais ce sera tous pauvres alors, ou tous morts (ou tous riches « différemment » : genre « riches de pouvoir dormir sous les étoiles dans la campagne » plutôt que « riches d’avoir un frigo et de se balader en bagnole »).
Richard et Samuel se plaignent (ils arrêtent pas hein !) également de manquer de tout pour leur école. Ils rêvent d’une école moderne, de celles qu’on a en Europe… où les enfants n’aiment pas aller, butant parfois leurs professeurs. Alors que l’école africaine avec ses petits moyens, ses bancs de bois, ses murs colorés, sa cour de récré’ cernée de jungle… je pense que beaucoup d’enfants se feraient une fête d’y aller (c’est le cas de ceux que je vais croiser le lendemain)… mais est-ce plutôt que d’être ailleurs ?
Je ressors à Samuel ma théorie sur la modernité, le progrès, la société de consommation et l’argent qui ne fait pas le bonheur comme je l’ai constaté dans bien des pays pauvres et heureux ; mon « c’est bien de vouloir progresser mais c’est pas de bol d’y arriver » qui ne fait pas vraiment mouche. Normal : les choses (dont les ambitions humaines) vont toujours vers l’avant, jamais vers l’arrière. Il faut donc que l’arrière ait des airs d’avant si on veut avancer correctement dans les prochaines années (z’avez tous suivi ?).
Direction l’hôtel, ma petite lampe torche tout-en-un-porte-clef-remontable à la main. Du coup je pédale du poignet en marchant tandis que Richard me guide avec sa lampe à piles pour nous permettre d’éviter les cours d’eau qui se sont emparés du chemin (on sent poindre l’influence des muses dans chacune de mes phrases… c’est à se demander si elles me laisseront jamais en paix ! Muuuuuses !).
Me voici maintenant dans ma chambre à 2€, allongé pour vous écrire sur un recouvre-matelas Disney du temps où Walt était encore en vie : j’en veux pour preuve la présence de Dumbo, Dingo, Minie. Tiens je vais prendre une photo pour vous prouver que je dis pas des conneries. Plus tard, nostalgique, je la rangerai dans mon classeur de mes photos d’Afrique… snif.
Je me glisse sous la moustiquaire… super. Il y a au moins un, deux, trois… dix trous gros comme une chatte de chatte (ou presque : parce que si j’arrive bien à y enfoncer deux doigts, je me suis pas fait griffer ensuite) du coup j’ai sorti ma propre moustiquaire (je suis un aventurier) pour son baptême du feu. J’ai donc bien fait de l’acheter chez Nature & Découverte finalement, sauf que c’est une moustiquaire pour nain et que j’aurais jamais du la badigeonner d’anti-moustique pour vêtements juste avant de dormir. Je ne doute pas que ça chassera les moustiques de la chambre vu que sur moi ça marche efficacement, même si je pense, sans vouloir me vanter, que j’ai de beaucoup plus grosses narines. Toussant hors de la chambre, je suis donc à découvert… mais c’est sans compter sur mon imitateur solaire de cri de moustique en rut à ultra-son (James Bond peut se rhabiller) : ce petit boîtier, qui me sert de porte-clef, a capturé les rayons du soleil toute la journée durant et les transforme à présent en cris de moustique mâle en rut (je déconne pas) ce qui éloigne les moustiques femelles qui ont déjà été fécondées (les seules à piquer) et me permet de conclure que les moustiques qui restent sont soit des moustiquettes en chaleur nymphomanes (vu le vacarme que fait le bidule) soit des moustiques pd en rut. Etant donné le nombre de moustiques restant autour de moi, je conclus que le marais doit pas être loin. Et comme, vous disais-je, il n’y a que les mamans moustiques qui piquent, j’en conclus que ceux toujours présent, soit ils me sucent, soit ils m’enculent, ce qui est assez vexant, en plus d’être très vulgaire, oui, bon, d’accord. Et puis après tout, c’est la loi de la jungle, hakuna matata !