Je racontais la mienne à un ami, y a pas longtemps, et comme il l’a trouvée originale, ça m’a poussé à vous la retranscrire. N’hésitez pas à me confier la vôtre en commentaire : 4 Nabolo-points à gagner !!!
C’était au siècle dernier, probablement en 1995, dans ces eaux-de-vie-là, vu que je venais d’avoir quatorze ans… Pour ma part tout a commencé (ou fini, c’est selon) au pastis : j’avais parié dix francs que je pouvais tirer dix gorgées d’une bouteille de 51. Vu ce qui m’est arrivé ensuite, un franc la gorgée n’était pas cher payé.
Nous étions six, je crois, dont un couple. Ce qui fait que nous n’étions vraiment que quatre, le couple étant parti s’isoler dans une chambre dès notre arrivée dans la maison du père de cet ami qui avait eu la mauvaise idée de s’absenter, cet après-midi là, sans songer à barricader son whiskey dans un abri anti-atomique.
Personnellement je ne me rappelle que du coup des « dix gorgées les dix francs ». Heureusement qu’on était quatre, pour se souvenir. D’après le témoignage des autres cerveaux de la bande, l’après-midi (pour une fois nous n’avions pas cours) impliqua aussi un certain nombre d’autres alcools, du vomi, ainsi qu’une réserve de K7 pornos (denrée extrêmement rare à l’époque !) qui allait avantageusement remplacer notre 138ème projection de « Basic Instinct », le film le plus chaud de notre connaissance, dont la scène de nue, qui dure environ une minute trente, nous forçait à des rembobinages fréquents… Le pire venant de ce qu’en 1995, il n’y avait pas de télécommande pour les magnétoscopes. L’humanité a bien progressé depuis.
Mais je ne me rappelle pas trop de tout ça. Ma mémoire reprend le fil au moment où nous quittons la maison.
Le couple d’ami, resté sobre, est rentré chez lui sans problème.
L’un des quatre buveurs a disparu, on ne sait trop où.
J’ai proposé au troisième qu’on aille plutôt chez moi, vu que son père allait bientôt rentrer.
Quant au dernier des quatre, qui avait rendez-vous avec sa mère, il insista pour l’attendre, seul, sur le perron de la maison que nous venions de quitter. C’est ce qu’il a fait, il a vraiment attendu SUR le perron, couché dessus avec son gros cartable : imaginez-vous cette petite bouille blonde de quatorze ans, étalée sur le trottoir de la rue, complètement bourrée, répondant « J’attends ma maman » au passant venu s’enquérir de son sort. Pas de téléphone portable à l’époque, il fallait qu’il patiente coute que coute à l’endroit convenu. Il a patienté en dormant. Il allait s’en prendre une rouste !
Pour ma part donc, je fis route avec le dernier de mes amis, vers ma maison. Pas de bol, nous croisons sa mère, qui elle est en voiture. Mon ami a tout juste le temps de me glisser « Surtout tu fermes ta gueule, si tu parles elle va voir que t’es bourré ! » avant qu’elle ne s’arrête pour me proposer de me ramener chez moi, tout en récupérant son alcooliq… Je veux dire son fils.
– Oui.
J’accepte la proposition, en mode monosyllabique.
– Ca va tes parents ?
– Oui.
– Et l’école ?
– Oui.
– Vous n’aviez pas cours cet après-midi ?
– Oooh, hmpf, non.
– Bon. Ca ne te dérange pas si je te dépose ici ? Tu n’es plus très loin, ça m’évite un détour.
– Non, non.
– Au revoir Nabolo !
– Oui !
A l’époque j’habitais à deux pas de la ville, en haut d’une colline. A l’époque c’était l’été. A l’époque c’était aussi le sud de la France. Il devait être aux environs de 14h et le soleil tapait très fort. J’entrepris donc une ascension difficile, les mains crispées sur les lanières de mon cartable gonflé à bloc, et la démarche pas tout-à-fait droite. J’avais un peu l’impression de reculer en avançant. Et puis tout à coup, bizarrement, je suis couvert de sang. Je suis par terre aussi d’ailleurs, alors que je pensais être en train de marcher. Machinalement je me relève, pour faire en sorte que les choses reprennent leur cours normal : je fais trois pas en avant, deux en arrière, et je retombe sur les fesses, dans une flaque de sang qui sèche tranquillement au soleil.
Je suis sur le cul, au deux sens du terme, pas très convaincu de ce qui m’arrive. Tout à coup je m’aperçois qu’il y a une dent au milieu de la flaque, et que, butain de mer ! C’est la mienne !!!!!!
Ben merde alors ! J’ai un gros trou dans la gencive qui fait que pisser le sang. Ce qui est bizarre aussi, c’est que je suis quasiment au sommet de la butte, pas du tout à l’endroit où je me rappelle être en train de marcher.
Concentration maximale : pense, pense, pense ! Je fais appel à toutes mes cellules mémorielles pour essayer de recoller les morceaux de ce qui a bien pu se passer… La première image qui me vient est celle de deux jeunes de mon âge qui font la course dans la montée.
Je ne sais pas pourquoi, on touche à l’irrationnel, mais je me rappelle penser qu’ils ont l’air de « deux gros utfgrvd ». Je me rappelle encore moins le leur dire. Et pourtant, j’allais le découvrir par la suite (vous saurez bientôt comment) c’est bien ce que j’ai fait, je leur ai crié :
– Vous avez l’air de deux gros utfgrvd!!
De ce qu’on m’a dit donc, l’un des deux l’a entendu qui a prévenu son complice, et ils sont venus me parler.
– Mon pote me dit que tu nous as traités de utfgrvd, c’est vrai ? Il est Hollandais, il parle pas français à part « nique ta mère » et « utfgrvd ». Si tu parles anglais tu vas pouvoir t’expliquer avec lui.
– Okay !
Pour comprendre la suite il faut savoir que, en ce temps-là, je venais de me mettre au rugby et je me sentais complètement invincible. Les quelques bagarres où je m’étais impliquées s’étaient toujours soldées par des victoires et, à l’exemple de San Goku (tout le monde regardait DragonBall Z à l’époque) j’attendais impatiemment mon prochain combat, un difficile, si possible, qui me permettrait d’éprouver à la fois mon courage, mon honneur et ma force… Ce qui fait que j’ai répondu (je vous le mets en français vu que ce que j’ai dit n’était probablement pas très anglais de toute façon) :
– Y a pas de souci, je vous prends tous les deux quand vous voulez… Sauf maintenant. Je crois qu’aujourd’hui je suis pas très en forme…
Mon speech (pourtant pacifiste, s’il en est) n’a pas convaincu mon interlocuteur. Comme il insistait pour que je lui montre qui de nous deux était un super guerrier de l’espace, j’ai fini par enlever mon sac… Le salopiaud ne m’a pas laissé le temps de finir : alors que j’avais les lanières de mon cartable à mi-bras, il m’a asséné un bon crochet du droit qui m’a laissé perplexe, ainsi que k.o.-couché. Comme j’étais assis sur une barrière, en plus, (vu que j’avais du mal à tenir debout et sur place) je suis tombé de haut, directement sur le visage : SPLASH ! Explosion d’hémoglobine ! Ca fait mal, sans compter que mes deux adversaires ont eu le réflexe, humaniste, de se barrer en courant, ce qui fait que, je ne sais pas combien de temps plus tard, je me suis relevé dans l’état que je décrivais plus tôt.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Une beigne, ça ne suffit pas pour dessoûler, et j’étais toujours bourré comme un coincoin. Je me suis relevé une seconde fois, et j’ai poursuivi vers ma maison, saluant les nouveaux voisins au passage, terrorisés de me voir ainsi défiguré : la moitié droite du visage ayant été ouverte au niveau de la mâchoire et de l’arcade sourcilière dans sa lutte avec l’asphalte (sans parler de la dent en moins), mon visage suintait de sang et de ce liquide transparent où vivent les petits hommes de « Il était une fois la vie ».
Pas de bol, j’avais perdu les clefs de chez moi, quelque part, sur le chemin. Dans ces cas-là j’avais pour habitude de les réclamer à notre amie la voisine à qui mes parents avaient confié un double. Je suis donc allé sonner chez elle, comme si de rien n’était vu que, rappelons-le, mes parents ne devaient surtout pas savoir que j’avais bu.
En me voyant elle est devenue toute pâle. Elle m’a demandé si tout allait bien ? Aucun problème l’assurai-je, en remerciant pour les clefs. A peine avais-je le dos tourné que la traitresse appela ma mère pour me dénoncer… En entendant la description de mon état, ma chère et tendre génitrice (je verse une larmichette) bondit dans sa bagnole pour venir me trouver. Elle fit bien car, le temps qu’elle arrive, j’étais monté dans ma chambre où se trouvait l’épée que j’avais acheté au marché, une antiquité dans laquelle j’avais investi mes économies parce que, comme tous les enfants de mon âge (non ?) je voulais devenir « chevalier errant » et que l’épée représentait la clef de mes rêves d’aventures (oui, j’étais déjà dans ce trip là : philosophie de l’aventure forever !!!). L’épée était un peu lourde mais qu’importe, je m’en équipais pour retourner dans la rue afin d’aller « communier avec la nature ». Je crois que l’idée était de célébrer ma première défaite avec les nymphes et les elfes qui vivaient pas loin, dans un coin de mon impasse d’où je pouvais apercevoir la montagne voisine (qui ironiquement s’appelle « Sainte Victoire »).
Ma mère arriva sur ces entrefaites : elle m’aperçut de sa voiture alors que je trainais mon épée sur le trottoir, la gueule fracassée mais l’air non moins solennel que celui de ces paladins antiques qui ont aperçu « la lumière ».
Je n’ai pas vu le tableau moi-même mais elle m’a expliqué depuis que ça lui avait fait « un choc ». D’un autre côté, tous les parents doivent s’attendre à quelque chose de loufoque le jour où leurs gosses prennent leur première cuite, non ? La mienne ne s’attendait pas à ça. Elle était pas mal énervée quand même, contre moi mais aussi contre les types qui m’avaient fait ça car, du fin-fond de mon cerveau, des bribes de souvenirs remontaient à la surface à présent que je décuvais. J’étais notamment capable de me rappeler que j’avais déjà vu mes agresseurs quelque part, peut-être chez le voisin du fond. Ma mère était de plus en plus énervée, ce qui me fit tomber d’accord avec elle pour dire que le fait qu’ils m’aient frappé, c’était une chose, mais que c’était pas très cool de m’avoir laisser par terre (comme une merde) ensuite. Nous sommes donc allés chez le voisin pour voir si mes agresseurs y étaient, non sans d’abord passer par la maison pour ranger mon épée.
Le voisin nous a ouvert dès notre arrivé, catastrophé en voyant mon visage. Des jeunes gens prenaient leur goûter, dans son salon. Ma mère a bondi :
– Ce sont eux ? Tu les reconnais ?
Oh que oui je les reconnaissais ! D’ailleurs ma mère n’eut pas le temps de prendre les devants que j’étais déjà dans leurs bras, pour les remercier de m’avoir cassé la gueule : ça me ferait une bonne leçon, à moi qui me croyais invincible ! Sans compter que les super guerriers de l’espace devenant plus fort à chaque défaite, j’allais probablement gagner en puissance ! Merci, merci ! Eux forcément ont accepté mes compliments bon gré mal gré, ce qui leur évitait quand même de se faire défoncer la gueule par ma mère qui du coup s’en prit plutôt aux adultes en présence. L’un d’eux, médecin de profession, me recousit la tronche dans la chambre du haut et nous rentrâmes bientôt à la maison, ma mère et son petit chéri qui saluait tout le monde avec beaucoup de chaleur, jurant qu’on remettrait ça, mais qu’il se défendrait mieux, la prochaine fois !
Et de retour chez nous j’ai évité un gros savon, vu que ma mère n’avait plus tellement de place pour m’en coller une à moins de s’engluer la main dans trois bons millimètres de croûte molle.
Alala, quel souvenir vous disais-je ! Le plus drôle c’est que j’ai fait une telle impression à mes agresseurs que, deux jours plus tard, ils sonnaient à ma porte pour me proposer d’aller péter les carreaux de la « vieille pute », notre amie la voisine à qui mes parents confiaient nos clefs. J’ai donc décliné leur offre, sans compter que, finalement sobre, j’avais fini par leur en vouloir un peu beaucoup quand même. Mais bon…
Le philosophe de l’Aventure doit aussi accepter la défaite. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » comme disait Végéta. Ca rend aussi beaucoup moins con et vachement plus prudent : je ne me suis plus fait péter la gueule que quelques fois depuis cette histoire, et je n’ai plus jamais perdu de dents !
Benton dit :« Je suis prêt à concéder que les femmes nous sont supérieures…si cela pouvait les dissuader d’être notre é&lo!gnbsp;»C&rsqua;est de Jules Renard je crois…[]
Eh ben moi, je trouve que pour le coup tu l’avais pas volé ta droite ! Alors si EN PLUS elle t’a rendu moins con… ;-)
Lydia,Remarkable, aint it. Taking your thought a little farther, what if your Dad told you to drive the car down to the Dairy Queen and get him and you a Bl3d#arz&z82i0;when you were 3 yrs old? I mean, he’d be telling you to do something, that he knew you absolutely could not ever do….ever. And then, giving you a spanking and grounding you to your room for the next 10 years for not doing it. That sounds mighty cruel to me. David