A force de voyages à travers le monde, je suis un aventurier et tout et tout, j’ai été frappé par une idée de force six sur l’échelle du pommier (on se rappelle tous de cette anecdote hilarante: Newton concevant la théorie de la gravité après qu’il s’est pris une pomme sur la tronche – merci Gotlib !).
J’étais à Cuba quand cette pomme m’est tombée dessus, mais c’est sur un arbre indien qu’elle avoit poussay (parfois j’aime bien palabrer en vieux françois: j’trouve ça plus classe) et sans mettre fin à cette métaphore de haut vol j’ajoute que tout finit aussi par une histoire de pomme, celle qui fut offerte par Paris à Aphrodite et qui précipita le monde grec dans sa guerre la plus épique, et colégram.
Souvent, une métaphore en entraîne une autre, et c’est là que ça devient chiant. Je reprends, un peu plus clairement.
Lors de mon voyage en Inde j’ai eu l’occasion d’observer un polythéisme vieux de plusieurs millénaires tel qu’il est pratiqué dans une société moderne. Il y a des feuilletons à la télé sur la vie des dieux, des longs métrages animés sur tel ou tel épisode de leur existence, des autocollants, des décalcomanies etc. Les Indiens n’hésitent pas à se servir de leurs divinités à des fins publicitaires!
Ce qui est intéressant surtout, c’est de constater qu’il y a des « modes » religieuses. Elles peuvent s’étendre sur des siècles ou bien se réduire à des décennies, durant lesquels tel dieu aura l’aval sur tel autre: il sera plus populaire, plus vénéré, plus représenté et ses attributs seront élargis (hmm…) pour lui donner la suprématie sur les autres. On peut ainsi constater qu’Indra, jadis un dieu très populaire, a ensuite été délaissé au profit de Shiva, qui a perdu la côte pour Vishnou/Krishna, lui-même étant aujourd’hui concurrencé par les deux valeurs montantes de l’hindouïsme: Ganesha le dieu à tête d’éléphant et Durga, la déesse guerrière, avec qui il se partage des zones géographiques de popularité (mettons Mumbai pour Ganesh et Calcutta pour Durga, par exemple).
Or, et c’est là que je voulais en venir avec mon histoire de pommes chers lecteurs (vous allez voir tout va s’éclairer d’un coup) si je m’intéresse tant à l’hindouïsme c’est notamment parce qu’il m’aide à imaginer ce à quoi pouvait ressembler les cultes païens de l’antiquité grecque à laquelle je suis si fort attaché (d’autant qu’elle a tant marqué notre culture: ouvrez les yeux, les références sont partout, et Athéna vous observe dans la plupart des coins de Paris). Même si ces cultes sont différents l’un de l’autre, je peux très bien imaginer Zeus en premier rôle de feuilleton télé ou Eros en sticker publicitaire (n’est-ce pas ce qu’ils sont devenus, malgré tout, bien qu’aucun culte ne leur soit plus rendu?) et c’est ainsi, alors que je marchais sur le Malecon, à La Havane, que j’ai été frappé par cette idée: et si l’Iliade n’était pas ce que nous croyons???
(eh oui, souvent j’ai des idées comme ça, à retardement, et qui ne servent à rien parce que personne n’y prêtera attention: c’est ça le propre du « penseur contempourien »).
Je reprends, re-suspense : …et si l’Iliade n’était pas ce que nous croyons ???
L’Iliade est perçue comme une œuvre littéraire, une épopée mais… et si c’était une œuvre politique ?
J’entends déjà mon téléphone qui sonne : le monde archéologique se soulève devant ce tremblement de terre réveillé par mes révélations… Pour ceux qui n’ont pas lu l’Iliade dans sa version originale, voilà un peu comme le texte se présente :
- Histoire : Un Troyen pique la meuf d’un Grec, c’est la guerre pendant dix ans, les Grecs finissent par gagner grâce à un cheval de bois = 10% de l’œuvre !!!
- Détails géopoliticoreligieux : longue énumération des peuples impliqués dans la guerre, de leurs chefs, de leurs régions/îles d’origines, des divinités qui les protègent = 88% de l’œuvre !!!
- Autres : ponctuation et support papier = 2% de l’œuvre…
D’où je me dis que (et c’est ça mon idée) : l’Iliade n’est peut-être pas un poème épique mais une œuvre politico-religieuse destinée à unifier le monde grecque autour d’une histoire, à recenser ses peuples et ses rois, à unifier son Panthéon… A créer une nation ! Et si possible une nation tournée contre les envahisseurs de l’est (bon ça c’est encore une autre étape dans le raisonnement).
Une chose est sûre en tous cas : chaque cité grecque avait sa divinité de préférence, et on peut très bien imaginer qu’il y ait eu un désir d’assimilation de toutes ces divinités dans un Panthéon unique, ce qui expliquerait que ces divinités aient autant d’épithètes différents.
En fait l’Iliade ne serait pas une histoire du peuple grec, mais son point de départ. Ca expliquerait aussi que le texte ait été appris par coeur à travers toute la Grèce pendant des… plombes (données historiques manquantes – à compléter)
Voilà, c’est ce que je me disais sur le Malecon.
Je me demande si quelqu’un y avait déjà pensé… (Naïveté quand tu nous tiens)
PS : si vous n’avez pas lu l’Iliade ce n’est pas bien grave, lisez plutôt INDIANA TOM, mon EXCELLENT roman (il est même passé à la télé : voir ici) (= mon meilleur argument publicitaire pour les cinquante-soixante ans)(qui sont des gens que j’adore)