Coup de bol, j’ai une amie à Pékin !
Une amie de dernière minute, c’est vrai, mais une bonne copine quand même, ceux qui ont lu l’excellente nouvelle « Méprise de risques » savent qu’il n’y a pas besoin de se connaître depuis longtemps pour s’apprécier.
On avait fait une demi-année d’étude ensemble, elle était partie à Taiwan, il y a quatre ans, tandis que je faisais mon stage à New Delhi, et voilà que nous nous retrouvions à Pékin (merci facebook).
C’est là qu’elle m’a invité à une « murder party ».
Qu’est-ce qu’une murder party ? C’est une sorte de jeu de rôle grandeur nature, qui se déroule le temps d’une soirée ou d’un dîner. Chaque participant reçoit une fiche qui décrit le contexte général de la soirée, ainsi que les personnages en présence, en plus du personnage qui lui a été attribué. Ce personnage a des objectifs et des secrets, tous mentionnés sur sa fiche.
C’est ainsi que je suis devenu le comptable Jacques Ferrol, le temps d’une soirée.
L’intrigue
L’intrigue était connue de tous.
Nous étions les invités de Paul Lahaye, décidé à annoncer ses fiançailles avec la belle Cordelia Gray, jeune mannequin américaine dont il avait raffermi la poitrine pour son propre bénéfice (Paul étant chirurgien-plastique de métier). Chacun des invités devrait réagir à cette annonce selon le caractère propre à son personnage et son lien avec les autres invités (tout étant décrit sur les fiches, il ne nous restait plus qu’à jouer).
Un autre évènement allait prendre les invités de court : Lydia Raped, la servante, qui serait retrouvée pendue dans la cuisine, alors qu’une diplomate du Lesotho (pays dont elle était ressortissante), ferait son entrée pour la rapatrier d’urgence (l’ambassade du Lesotho ayant été attaquée peu de temps auparavant : le hasard fait mal les choses).
Préparation
Cordelia et moi sommes allés faire nos courses. Il ne s’agissait pas d’acheter beaucoup de matériel, mais le minimum pour se plonger dans le jeu. Une cravate et des lunettes ont suffi pour ma part, des chaussures et un truc-à-plumes-qui-se-met-dans-les-cheveux pour la sienne. Chacun a fouillé ses tiroirs et c’était bien suffisant : ce qui comptait, c’était que tout le monde fasse un petit effort pour donner corps au jeu.
Entrée en matière
Comme je ne connaissais quasiment personne je ne sais pas à quel point les autres ont joué leur personnage et quelle part ils ont laissé au naturel. Le mien, Jacques Ferrol, meilleur ami et comptable de Paul Lahaye dont il vide le compte en banque (il est aussi l’amant de sa fiancée qu’il compte épouser une fois qu’elle lui aura soutiré son argent) était décrit comme un personnage introverti et discret, passionné par son métier.
Quand je suis arrivé on m’a pris à part pour vérifier que je connaissais mon background (j’ai rigolé dans la moustache que je m’étais fait pousser pour l’occasion : il y avait encore des gens pour ignorer que je suis acteur !! Voyez ce qui arrive quand on ne lit pas tous les jours l’EXCELLENT Nabolo-blog, et qu’on n’en parle pas à sa famille, ses amis, etc.) et puis on s’est mis à table, non sans vider quelques cocktails.
Tout le monde était très volontaire pour jouer le jeu, ce qui nous a permis d’entrer rapidement en matière… Peut-être un peu trop rapidement d’ailleurs. Lorsqu’on nous a annoncé le suicide de Lydia Raped, la servante qui s’était pendue dans la cuisine, la moitié d’entre nous discutait déjà du mobile de cet effroyable meurtre.
Le problème, c’est qu’il fallait concilier la découverte du cadavre et notre envie de boire et de bouffer. On a donc pris le partie de ne pas céder à la panique et de s’attabler, notre hôte ayant lui-même déclaré que ce n’était pas les servantes qui manquent par les temps qui courent : nous pouvions nous empiffrer le cœur léger.
SAUF QUE Serge Graham, un ami historien de Mariam (la fille de Paul) insistait pour nous gâcher la fête avec ses questions :
– Ca ne vous inquiète pas plus que ça le mort de la servante ?
Pour ma part je m’en chichoyais le troufougnou : mon objectif était de cacher les retraits que j’effectuais sur le compte de Paul ainsi que ma relation avec sa fiancée, tout en essayant de précipiter leur mariage et de découvrir pourquoi Fabien, le nourrisson de Mariam et Patrick (et donc le petit-fils de Paul) était de couleur noire. Ca pouvait avoir un lien avec le Lesotho où Paul et sa fille avait jadis vécu, le Lésotho étant un pays d’Afrique, avons-nous appris en cours de soirée (et chacun de se demander de quelle couleur de peau était son personnage)… Mais Serge menait l’enquête, doucement suivi de Mariam.
Patrick, ce beau-fils dénigré de Paul, répétait ses maladresses coutumières.
Matt, l’ami désargenté de Mariam (donc inintéressant à mes yeux de comptable), faisait profile bas.
Linda, la diplomate déléguée par l’ambassade du Lesotho et arrivée en cours de soirée (pour rapatrier la morte), profitait du repas.
Cordélia disait des conneries que je surveillais du coin de l’oreille pour éviter qu’elle foute tous nos plans en l’air…
…et Paul, fiancé trompé, ami trahi, beau-père espionné, prenait tout avec le sourire.
Eh oui, car chacun, autour de cette table, avait son petit secret qu’il devait préserver en même temps qu’il mettrait à jour celui des autres.
La machine était en route ; le vin n’roulait pas mal non plus.
L’arrivée de la police
Quelqu’un avait eu la mauvaise idée d’appeler la police, qui est venue nous déranger en plein repas.
La police était en fait jouée par l’organisatrice du jeu qui remplissait plusieurs rôles et s’assurait que le jeu évolue.
Elle nous a pris à part, les uns après les autres, pour nous interroger sur nos activités récentes et sur où nous nous trouvions au moment du meurtre… car c’était bien un meurtre ! La police avait même un mandat et tout : j’avais bien essayé d’opposer des arguments juridiques à son intrusion -juste pour faire chier- mais rien à faire (on a tout de même pu continuer à boire).
L’enquête a fait un bond en avant avec la découverte des « preuves » : des petits papiers disséminés partout dans l’appartement et qui en disaient long sur mes manipulations financières et sur les activités secrètes des autres invités.
Ca n’était déjà pas très clair avant, mais à présent on en arrivait à s’accuser les uns les autres de fraudes, traitrises, meurtres au fur et à mesure des coups de théâtres et des nouvelles preuves-surprises, révélant que Cordélia était en fait une gogo-danseuse ; que Patrick était un agent secret russe ; que Matt espionnait Paul ; que Linda avait eu le visage refait et travaillait pour la mafia de l’opium ; que Serge faisait du trafic d’enfants, etc.
Au milieu de toute cette luxure, ces traitrises et ces histoires de meurtres, un seul homme gardait le sourire : Paul, qui décidément le prenait à la cool… Au point que la police finisse par s’énerver :
– Mais Paul, réagis, gueule un coup là, merde !
C’était le moment ou jamais de raconter une des blagues de comptable que j’avais trouvé sur internet.
Cordélia continuait de débitait des conneries et cette sainte ni touche de Mariam, avec ses airs de petite fille sage, menait son père par le bout du nez et son fiancé par la baguette.
Et puis qui était ce Matt, soit disant adepte du tuning, et pourquoi diable avoir invité un pauvre à la table des Delahaye ?
Vivement que je me fasse la malle avec le fric de Paul, cette famille partait vraiment en couille, surtout quand Paul a déclaré qu’il avait l’intention de léguer sa fortune à sa fille ! Bien sûr on a tous réagi comme si c’était une bonne idée, des sourires, des félicitations, et cette salope de Mariam qui faisait mine de refuser. C’était le bon moment pour se demander tout haut d’où venait la couleur noire du petit Fabien ? D’autant que Serge, à ma droite, insistait pour rappeler qu’il était fréquent que les gènes noirs sautent une génération.
– Une génération toute entière ? s’est écriée Cordélia, impressionnée par la performance.
Cette conne ne comprenait décidément rien à rien… Mais je l’aimais, il faudrait faire avec. Serge a poursuivi en expliquant que son dernier livre traitait du viol des femmes blanches au Lesotho, et de demander à Mariam si par hasard elle n’aurait pas été violée ? Quel tact. Mais si Mariam n’avait jamais été violée, qui donc aurait pu l’être ? Car il fallait bien que quelqu’un le soit, Serge insistait sur ce point (ça sentait la preuve-surprise à plein nez). Un nom était sur toutes les lèvres (sauf sur celles de Paul qui reprenait du vin) : LYDIA RAPED !! La servante, originaire du Lesotho qu’on avait retrouvé pendue dans la cuisine… Bon sang mais c’était bien sûr !! Sauf que ça ne répondait pas à une question : de quelle couleur était ce personnage ? Blanc ? Noir ? Les deux, avons-nous découvert lorsque l’organisatrice nous a avoué qu’elle avait figuré le corps de la victime par un panda en peluche, auquel elle avait attaché un préservatif au bras… Peut-être pour nous faire comprendre qu’elle était sur le qui-vive depuis son viol ? Je ne sais pas trop, je me préoccupais plutôt de détruire les preuves concernant les virements que j’avais effectué avec les comptes de Paul, tout en faisant du pied à Cordelia.
Mariam a eu un choc quand elle a découvert que Patrick, son fiancé, était en fait Patroff, un espion russe chargé de surveiller son père (mais qui l’aimait quand même) alors que Matt faisait toujours du tuning, et que Marie-Lys, la première femme de Paul dont j’ai totalement oublié de vous parler, était morte des suites d’une mauvaise injection il y a quelques années, en 2001, personne n’étant vraiment sûr de la date à laquelle nous nous trouvions… Mais le vin était bon.
Certes on pataugeait un peu dans notre enquête, et l’alcool aidant « Mariam » était devenue « Myriam », « Linda » s’était changée en « Lyndia », mais la police était là pour tout remettre dans l’ordre et c’était bien agréable de discuter en jouant son personnage et de se réveiller tout à coup pour dire une connerie en rapport avec son background.
J’ai eu beaucoup de mal à faire de Jacques Ferrol un personnage introverti, (on peut même dire que j’ai raté) mais on était là pour s’amuser, et ça c’est réussi.
Conclusion et remise des prix
A la fin du jeu, l’organisatrice nous a posé quelques questions visant à comptabiliser nos points, comme par exemple qui était, d’après nous, le meurtrier de Marie-Lys, celui de Lydia, et la raison pour laquelle le petit Fabien était métisse ?
Après ça elle nous a proposé de voter pour nous remettre des prix : celui du meilleur acteur (Mariam), meilleur déguisement (Cordelia), meilleur enquêteur (Serge), personne la plus à l’ouest (Paul), personne la plus mystérieuse (Linda).
Personnellement, votre héros s’en est tiré avec le prix de « la cravate d’or » (ouf, l’honneur est sauf chers lecteurs de l’EXCELLENT Nabolo-blog !), ce qui je pense était largement mérité même si, comme d’habitude, j’ai préféré jouer la carte de la modestie.
En bref j’ai passé une super soirée et je vous conseille vivement d’essayer ce genre de jeux chez vous, avec des amis volontaires (s’ils ne jouent pas le jeu du début à la fin c’est pas la peine d’essayer).
Je vous laisse ici le lien vers un site où vous pourrez télécharger des scénarii selon le nombre d’invités, le budget, etc. Et si vous en faites une, svp, invitez-moi !!! XD
Roooh les murder-parties, ca parait loin tout ca…
J’avais essayé d’en faire quelques unes a l’aube de mes annees acneiques mais ca manquait severement d’alcool pour etre convaincant.
A retenter donc.
J’avais organisé un « Cluedo Géant » pour un centre aéré, joué sur toute l’après-midi avec des 15-17 ans, c’était très sympa.
Du coup, on en avait refait un entre animateurs (et avec des amis amenés pour l’occasion) deux semaines après. C’était encore mieux (plus libre, plus alcoolisé aussi).
Et depuis, plus jamais refait…. Mais ça me laisse quelques grands souvenirs :)