Je suis lové au creux d’un haut rocher incurvé, une sorte de pouf minéral chauffé au soleil, mon ordinateur portable posé sur les genoux. Devant moi, le Sri Lanka, tout vert, avec ses collines spontanées et ses arbres couverts de singes. De là, je vous écris.
Des colonnes de touristes passent et repassent derrière moi, à l’ascension du rocher. Mais moi je fais déjà partie du lieu, et l’histoire me semble suffisamment extraordinaire pour que je vous explique comment.
Mihintale
J’ai quitté Anuradhapura hier matin, direction Mihintale, un site sacré zé touristique décrit comme moins grand mais plus beau. Je n’ai pas prévu de dormir en ville : mon intention étant de rallier Trincomalee avant le soir, à moins de rencontrer au temple un moine qui accepte de m’initier au bouddhisme. Dans ce cas-là je suivrai impassiblement mon nouveau maître, comme un petit chien. Pareille rencontre serait-elle possible ? Franchement, j’y croyais, tout en me félicitant d’avance en songeant que ce serait une bien belle aventure.
Sous l’influence d’une paire de touristes français, le bus ne s’est pas arrêté devant ce que je prenais pour l’entrée du site, et j’ai râlé. Puis j’ai marché, le long d’une large route se dirigeant vers la forêt. Un rickshaw m’a harponné :
– Tu vas voir les temples ? Monte je t’emmène !
– Non merci, j’ai besoin de rien, etc.
– Mais si, monte, c’est juste pour t’aider.
– Vraiment ?
Vraiment. Le touk-touk m’emmène dans un coin que je n’aurais jamais trouvé tout seul : il me dépose au pied d’une routelette qui grimpe la colline jusqu’à se transformer en escaliers. Ceux sur la gauche m’entraînent vers une pagode abandonnée d’où on peut apercevoir quelques-unes des nombreuses grottes auxquelles Mihintale doit sa réputation. Puis je redescends sur le plateau-plateforme que j’ai snobé dix minutes avant.
A cet endroit-là sont installées de petites boutiques, c’est-à-dire des étalages de planches improvisées où les locaux vendent nourriture et rafraîchissements aux touristes et aux pèlerins : ce ne sont pas des ruines que je visite, ce sont des lieux de cultes en activité. Je m’offre une mangue, histoire de comprendre une bonne fois pour toute, bord d’ailes de mer, comment il faut les couper pour les manger. Ça n’a pas l’air bien difficile mais il fallait y penser : considérant le bout, on coupe un carré autour du noyau, puis des tranches dans le sens de la longueur. La mangue s’ouvre comme une fleur et y a plus qu’à se régaler. Au-dessus du stand traîne un animal que je n’ai jamais vu… Ah mais si en fait !! Mais pas cette version-là, pas de cette taille ni de cette couleur : un écureuil é-nOrme, suffisamment gros pour tenir tête au macaque qui vient lui disputer son butin.
Je reprends mon ascension et j’arrive dans une espèce de cours, avec des semblants de ruines au bout. Des sortes de gardes-soldats m’interpellent tandis que je m’approche : je dois acheter un billet pour visiter le site. Bon. J’en profite pour leur laisser mon sac, et je me dirige, encore et toujours, vers de nouveaux escaliers bordés de vendeurs. L’atmosphère est « mignonne » en comparaison du pic d’Adam, les vendeurs sont tout tranquille, assis là entre ombre et soleil, leurs marchandises posées à même le sol le long des marches claires.
Tout en haut des escaliers j’arrive dans un espace ouvert, avec des animaux errants, singes, chiens, cailles (!), des cocotiers et des constructions religieuses que j’ai un peu tôt fait d’appeler systématiquement des temples.
[Parenthèse] A l’instant où j’écris ces lignes, perché de manière trop classe zé aventuresque sur mon rocher qui surplombe la vallée, un touriste français me fait une blague en me criant : « You have wifi ? »
Il a raison de se foutre gentiment de ma gueule, c’est clair que je prends la pose sur mon rocher. Mais c’est pour nourrir mon identité d’aventurier… ça me fait du bien, ça me rend heureux.[Fin de parenthèse]
[re-Parenthèse] Et là, dans le reflet de l’écran, je vois un singe qui s’intéresse à mon sac juste derrière moi… [Fin de parenthèse]
Ce nouvel open-space est un espace sacré puisque je dois confier mes sandales au préposé, personnage incontournable dans ce genre de cas. Enfin pieds nus j’aperçois, à deux pas de moi, la robe orange d’un moine. Je tente ma chance ! Sur un coup de bol il parlera anglais… Yes, he does ! Je commence à lui poser mes questions sur le bouddhisme, son rapport avec l’hindouisme, tout ça. Si ses réponses sont pertinentes, je lui demanderai solennellement de me prodiguer son enseignement.
Jugez par vous-même :
– Bouddha nous enseigne que la question de savoir si les Dieux existent ou non n’est pas essentielle. Qui peut le dire ? Qui les a vus ? Bouddha enseigne qu’il ne faut croire qu’en ce dont on fait l’expérience soi-même. Il y a peut-être des Dieux, peut-être pas, mais ce n’est pas d’eux que viendra la libération du cycle des renaissances : mokti découle d’une démarche personnelle.
Et à ce sujet il me dit encore :
– Du désir vient la souffrance. Parce que le désir ne peut apporter que la déception, ou une satisfaction momentanée qui s’apparente à la déception. Dans tous les cas, c’est de l’insatisfaction, et ce désir nous entraîne dans un cercle immuable parce qu’il n’a jamais de fin. Pourquoi naissons-nous ? Nous naissons du désir de nos parents et de notre désir d’être. Et ainsi le désir guide toute notre vie vers un même résultat : le recommencement. Il est presque impossible d’échapper au désir car tout ce que nous voyons ou entendons emplit notre cerveau malgré nous… L’image de cet arbre (il désigne un arbre) entre dans ton esprit par tes yeux, et elle s’y dépose et emplit ton inconscient malgré toi. Tes cinq sens sont cinq portes d’entrée vers ton esprit et l’émergence du désir qui t’entraîne dans une quête de joies éphémères et futiles. Le bouddhisme, c’est la quête qui te permet d’atteindre une satisfaction permanente et de te libérer du cercle des réincarnations.
[Parenthèse] un singe vient d’essayer de me piquer mon sac.[Fin de parenthèse]
J’ai trouvé ses explications intéressantes. Donc, comme je me l’étais promis, je lui demande s’il peut m’en dire davantage, et si je peux lui tenir compagnie dans les prochains jours. Il me demande ma nationalité ?
– French !
– Ah mais vous êtes français ?
Bords d’ailes de mer de butin d’ancre coulée !!!! C’est là que je l’ai reconnu ! C’était mon moine du bus de l’aéroport !!!!
– Ah oui, c’est bien possible qu’on se soit croisé il y a deux semaines, me dit-il calmement, j’habite juste à côté de l’aéroport.
Gné. Il restait impassible, comme ça, sans voir le miracle ! Un peu comme les cajuns lorsque je m’étais aventuré à leur poursuite à travers les Etats-Unis, pour ne les retrouver qu’à l’aéroport, tout à la fin.
Il en faut pas beaucoup plus pour croire au destin ou, comme me l’expliquait Victoria-la-bienheureuse, ex-fidèle lectrice de ce blog (:p ), que l’univers étant une émanation de l’esprit, il apporte à chacun ce que chacun lui demande, un peu de la même manière qu’on dit que « chacun créé son paradis »… Oui-oui, on dit ça, ou du moins je l’ai entendu dire… Au moins une fois.
Mon moine francophone, que nous n’appellerons pas « Petit Scarabée » mais « Caméléon-myope » (parce que je ne l’ai pas reconnu tout d’abord ; qu’il porte des lunettes ; et puis pour rire surtout, et se détendre au beau milieu de toute cette intense spiritualité haha) me présente alors au chef des moines, le « Chief-Monk » que nous appellerons « Ecureuil-bedonnant » (pour certaines des raisons citées plus haut ; parce que « chief monk » sonne comme « chipmunk » et que l’homme n’est pas tout à fait mince). Ecureuil-bedonnant relève un pèlerin qui était en train de lui baiser les pieds et m’invite à séjourner au monastère durant les prochains jours : nous aurons le temps de discuter, le soir venu et les touristes partis… gagné !
L’univers n’est-il qu’un souhait ?
Sur cette question j’abandonne mon rocher. Il doit être aux alentours de midi et je commence à cramer… Je vais sortir de l’enceinte sacrée pour aller me chercher une mangue au stand à écureuils, j’ai commencé à sympathiser avec les vendeurs. A de suite !
Mon Nabolito chouchouchou,
mais que c’est mignon ce petit piège que tu me tends ! Affirmer que je ne suis plus de tes lecteurs pour me faire réagir, alors même que j’ai posté un commentaire il y a peu et que nous avons échangé en privé, t’es trop fort ! Et tu vois, en bonne aficionado de l’Excellent Nabolo, je plonge dans ce piège, consentante et joyeuse.
Premier point mon chéri (que j’ai oublié de te signaler dans nos derniers échanges parce que j’étais de toute façon en « faute ») c’est que je ne reçois pas systématiquement ta newsletter et que le sachant, je fais régulièrement la démarche d’aller de mon propre chef sur ton blog pour vérifier s’il y a eu du nouveau. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis intervenue tard dans la conversation sur le comming out d’Helen Page (même si j’étais restée silencieuse depuis des siècles, cette fois-si le sujet m’aurait fait réagir le jour même). Parfois je ne reçois la bonne nouvelle d’un nouveau post que plusieurs jours après, quand ce n’est pas une à deux semaines plus tard (voire pas du tout). Il se peut d’ailleurs que je ne sois pas la seule… Donc, mon chéri tout mignon, n’accuse pas tes lecteurs de ne pas réagir quand ils ne savent pas systématiquement que tu as posté. En même temps si personne ne te dit que ton lien merde, tu ne peux pas y faire grand chose, là, c’est fait.
Deuxième point mon chéri tout mignon : en ce moment je n’ai plus internet et suis obligée de me rendre dans un cyber pour y accéder, alors vois ô combien ! mon amour pour toi est grand : j’ai lu tes derniers posts en payant ! Et pas avec des Nabolo points ! J’écris d’ailleurs ce commentaire sur mon ordi et vais aller avec une clé USB le transférer, alors tu peux jauger le niveau de mon engagement ! Si c’est pas une preuve d’amour ça, je ne sais plus quoi faire !
Troisième point mon chéri tout mignon chouchouchou ( à suivre une scène de ménage;-): dans mon dernier mail je t’ai proposé de nous parler au téléphone, et comme un malpropre tu ne m’as pas répondu, alors je me suis sentie trahie, délaissée et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps au point que j’ai dû être hospitalisée pour dépression sévère, alors camembert ! (en fait quand j’ai découvert par hasard (en allant de mon propre chef sur ton blog:/) que tu étais au Sri Lanka, je t’ai trouvé une bonne excuse, mais n’abuse pas de ma tolérance!).
Ensuite mon chéri tout mignon chouchouchou vraiment trop chou, je suis touchée que tu fasses référence à nos derniers échanges en privé dans l’une de tes pages, mais la prochaine fois que tu m’évoques j’aimerais bien que tu n’oublies pas la formule suivante : comme me l’a dit un jour le messie Victoria La Bienheureuse. Quand on site ses sources on se doit d’être précis… Non ?
Pour finir et pour rebondir sur tes propos au sujet de cette rencontre providentielle avec ce moine francophone, voici ce que le messie que je suis a à ajouter (ce qui suit tu le sais déjà, ce n’est là que pour renforcer ton propos, pour tes lecteurs quoi): l’un des grands avantages du voyage c’est que, plongés dans une ambiance qui ne nous est pas familière, notre pouvoir créateur n’est pas limité par la routine, tout devient alors possible : nous nous attendons sans cesse à être surpris, aussi sommes nous surpris. Deuxième point : les pensées sont créatives jusque dans la matière (tu le sais, c’est mon leitmotiv). Tu nous avais signalé ton désir de retrouver ce moine ou son équivalent, et comme tu as fait circuler cette pensée, elle s’est manifestée dans ta réalité, tu as en effet retrouvé ce moine. Bravo mon chéri, t’es vraiment trop fort ! Toi qui t’es penché sur l’Ancien Testament* tu as pu y lire que le prophète élie, et Jésus quelques siècles plus tard (Nouveau Testament*), n’arrivaient pas à produire de miracles au sein de leur communauté de naissance ; leur pouvoir était alors limité…
Voilà pour aujourd’hui mon chéri, j’espère que ta retraite spirituelle va te permettre de passer le reste de ton corps dans le trou du mur dont tu me parlais récemment, et il me tarde de lire ce que tu en auras tiré.
*: je ne vais pas me faire passer pour ce que je ne suis pas, je n’ai lu ni l’un ni l’autre mais seulement des exégèses, et toutes rapportent ces faits (même si j’admets que ces faits n’en sont peut-être pas puisque je n’ai pas de point de vue sur la véracité de l’existence (ou des actions et créations) de ces prophètes, mais d’expérience (la seule chose qui vaille) je sais que c’est une réalité : mon pouvoir créateur est extrêmement limité lorsque je suis à Bordeaux alors qu’ailleurs je me créé sans cesse de ces (micros) miracles.
Ps1 : si tu ne veux pas que je vienne pourrir ton Blog avec des commentaires diffamatoires, à ton retour téléphone moi, sinon je dis à tout le monde… non pas maintenant… mais fais gaffe !
Ps 2: dis, mon compte en Nabolo points n’a pas été crédité pour mon commentaire sur le comming-out, et si tu te souviens, j’ai plein de projets humanitaire en souffrance par manque de Nabolo points, alors un petit geste pour sauver la planète STP ! Merci par avance.
Ta Vivicounette plus que jamais en amour pour la merveilleuse personne que tu es.
Merci pour ce commentaire !!! :D J’ai mis à jour ton compte de nabolo-points (tu l’as bien mérité). Ton témoignage m’éclaire, d’autant plus compte tenu de ce qui m’est arrivé ce 8 avril dernier et… et… et… tu en sauras plus dans les prochains articles :p
Je te réponds en privé au sujet de la partie privée :p